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tualité, et dédaigneuse des moyens employés par quiconque veut arriver à la célébrité quand même, sans faire entrer en ligne de compte le travail, ce labor improbus dont parle le poète latin, qui finit par avoir raison de tous les obstacles.

Ils sont difficiles et nombreux ceux que l’écrivain rencontre sur sa route littéraire. Ernest Legouvé les connut, comme beaucoup de ses pairs, peut-être moins qu’eux, mais il était homme à les vaincre, s’il l’avait fallu. Il n’est que juste de reconnaître que la vie lui fut douce, mais qu’il en usa avec sagesse, entouré de respect et de considération, aussi d’affections familiales dont les incessantes manifestations réchauffaient le cœur de ce jeune vieillard, d’intelligence toujours vive et d’esprit toujours alerte, qui ayant dépassé, de beaucoup, la moyenne de l’existence humaine, et presque centenaire, souriait encore à la destinée, quelques heures avant de rendre le dernier soupir.

Un homme de cet âge, forcément répandu et recherché, avait coudoyé bien des générations et fréquenté des célébrités littéraires et artistiques, peu connues de la jeunesse contemporaine, et c’était presque un devoir, pour lui, de recueillir tant d’impressions et de leur donner une publicité méritée. C’est ce qu’Ernest Legouvé a fait, en deux volumes qu’il intitula : Soixante ans de Souvenirs, et complétés par Dernier travail, derniers souvenirs, si remplis de précieuses anecdotes sur tant de personnages cotés et qualifiés dans les lettres et dans les arts, et qui fournissent des renseignements précis pour nous, en quelque sorte, des révélations. Notre ancien et cher collaborateur de quarante années, montrant ce qu’on peut tirer du simple et humble outil qu’est la plume, a fini comme un bon soldat des lettres, laissant après lui une œuvre et la mémoire durable d’un écrivain infatigable et probe, respectueux des autres et de lui-même.

Il nous appartenait, en notre nom, et au nom des lecteurs du Magasin d’Éducation et de Récréation, de rendre, avec tant d’autres, un suprême hommage à la mémoire du collaborateur illustre qui fut comblé d’honneurs mérités, et qui, il y a quelques jours encore, était le doyen de l’Académie française et de l’Institut de France tout entier.

La Rédaction.
KSOUR ET OASIS[1]

CHEVAUCHÉES D’UN FUTUR SAINT-CYRIEN À TRAVERS LE SUD-ORANAIS

I

Brézina. — Marcel Palat.


« … Grâce à une permission de quinze jours que l’on vient de m’accorder, je compte partir de Géryville le 16 novembre pour l’oasis de Brézina, arriver ensuite à El Abiod Sidi Cheikh au moment du passage des caravanes, enfin revenir par Chellala. Que vous dit cette tournée-là, René ?

— Oh ! cher monsieur, vous voudriez bien le moi pour compagnon ?

— Si le commandant y consent ? mais certainement !

— Je cours le lui demander. »

Et mon oncle m’a répondu :

« À M. Naimon je te confie sans la moindre inquiétude ; j’ai en lui la plus entière confiance. »

Ainsi se décida pour moi cette nouvelle excursion. Entre nous, je crois que, tout au fond, mon oncle ne désirait qu’à moitié courir un

  1. Voir les nos 180 et suivants.