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grand’mère Andelot du marché de Costaros.

Les vieilles femmes continuent de porter, sur la coiffe lisse, le petit chapeau de feutre noir, mais les jeunes entourent leur tête de rubans aux nuances voyantes, noués sur la coiffe tuyautée finement vers les tempes.

Avec les fichus et les tabliers de couleur vive, cela compose un tableau amusant à l’œil. Claire ne se lassait point de regarder voltiger les fuseaux, et les épingles changer de place, et la dentelle s’allonger, s’allonger, ainsi que sous des mains de fées.

Ce n’est pas que grand’mère fût gaie… non… Grand’mère avait quatre-vingts ans, sa vue était très affaiblie, elle causait peu, et roulait pendant des heures, entre ses doigts fluets, devenus inhabiles à manier les fuseaux, son chapelet en noyaux d’olives, rapporté de Palestine par l’oncle Augustin, le juif errant de la famille. Mais on la voyait si peu, grand’mère ! Aux repas, et un tout petit moment, le soir, à la veillée.

C’étaient les cousines qui étaient chargées de lui tenir compagnie.

Quand leur silhouette passa devant les yeux de Claire, une petite grimace lui échappa : point à compter, dans les attractions d’Arlempdes, Mme  Rogatienne Lortet ! Peu aimable, toujours prête à la critique, rendue grognon par sa mauvaise santé… Mais, à côté d’elle, il y avait Sidonie, cette bonne vieille fille aux traits masculins, de la barbe au menton et de la moustache ! Une voix de stentor, des gestes brusques… Grand dragon au cœur d’ange, que sa sœur Rogatienne traitait en cadette venue au monde pour la servir — qui ne servait-elle pas dans la maison, au reste, — et qu’elle couvrait de ridicule en l’appelant « Pétiôto[1] », comme au temps de son enfance.

(La suite prochainement.) P. Perrault.

  1. Petite, en patois du pays.