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MICHEL ANTAR

Harry, il me tarde d’être en plein Atlantique !… Là, pas d’indiscrets à craindre…

— Cela viendra, Corty, et, demain, l’Alert reprendra la mer…

— Pour ?…

— Pour la Guadeloupe, et, en somme, une colonie française est moins dangereuse pour nous qu’une colonie anglaise ! »

Jules Verne.

(La suite prochainement.)

KSOUR ET OASIS[1]

CHEVAUCHÉES D’UN FUTUR SAINT-CYRIEN À TRAVERS LE SUD-ORANAIS

IV

Conquête des oasis.


Craignant que M. Naimon ne s’apprêtât à cesser là sa petite conférence, qui m’intéressait fort, je m’empressai de lui demander le récit de la conquête de ces oasis.

« Dans quel but, interrogeai-je, entreprit-on cette conquête ? Comment l’exécuta-t-on ?… De toutes ces choses j’ai bien entendu dire quelques mots autour de moi, mais sans m’y intéresser : j’étais trop jeune alors et trop loin ! »

Mon complaisant mentor se résigna, non sans peine, car il craignait de m’ennuyer :

« Certainement, commença-t-il, des raisons sérieuses nous ont obligés d’entreprendre la mainmise sur ces régions, d’autres raisons par conséquent que celles de faciliter le commerce, assez restreint, des caravanes.

« La plus importante est qu’elles devront fatalement nous servir de point d’appui dans la liaison de l’Algérie avec le Soudan, de la Méditerranée avec le Tchad et le centre de l’Afrique. Songez à l’économie de temps et d’argent qui en résultera sous le rapport politique, ainsi que sous le rapport commercial. Un câble très court, reliant Alger à la France ; le télégraphe, doublé peut-être un jour de ce fameux transsaharien dont on a tant parlé, unissant Alger à Tombouctou. Et l’on évite les câbles étrangers à travers l’Atlantique, puis les trajets par terre de la côte ouest jusqu’au centre du continent Noir. Tout se fera par nous et chez nous.

« Mais le trajet Alger-Tombouctou, facile tant que nous restons sur le territoire algérien proprement dit, se complique singulièrement aussitôt qu’on entre dans notre extrême-sud. Il deviendrait impossible si nous n’avions, à mi-chemin, ces oasis où l’on se refait, sur les garnisons desquelles on s’appuie, avant d’en entreprendre la partie la plus pénible. La mission Foureau-Lamy, qui terminait, il y a deux ans, ce parcours, n’a pu le réussir que grâce à la force du détachement de troupes qui l’accompagnait.

« C’est qu’un ennemi non méprisable s’ajoute au manque d’eau et aux difficultés provenant du climat ou des régions inhospitalières à traverser : le Touareg. Comment se serait-on gardé de ses attaques avec les garnisons d’Algérie ou du Soudan ? Il fut demeuré insaisissable et irréductible. Tandis que du Touat ou du Tidikelt on peut l’atteindre : deux ou trois raids récents, accomplis contre eux dans ces régions par des officiers du service des affaires indigènes, l’ont bien prouvé.

« Il fallait donc commencer par occuper le Touat et le Tidikelt. D’autant plus que tous deux servaient de points d’appui à ces Touareg, qui venaient s’y approvisionner de grains et

  1. Voir les nos 180 et suivants.