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Lilou continuait de pleurer, mais moins fort ; il venait d’apercevoir les chocolats.

Cependant ses cris de tout à l’heure avaient été entendus. Hervé accourait, suivi de sa sœur, de Thérèse et des bonnes.

Guidés par les derniers sanglots de Lilou, ils rejoignirent Claire au moment où, sans se soucier des nouveaux accidents menaçant sa toilette, la jeune fille remontait chargée de Pompon toujours vert.

Lilou lui emboîtait le pas, armé de la pièce de conviction : le sac vide.

Tout en marchant, il finissait de croquer ses quatre chocolats. Ses larmes s’étaient enfin arrêtées de couler.

Il dit, hochant la tête :

« Il est gentil, mon frère, il m’en a gardé. Tu es sûre qu’il va pas moure ?

— Sûre, sûre, ainsi cesse de pleurer.

— Je pleure pas, je mange.

— Oh ! Clairette, s’écria Hervé, tendant les bras pour prendre son fils.

— Inutile de nous salir deux, mon cousin, il n’est pas bien lourd, laissez-moi le porter jusqu’à son lit.

— Que pensez-vous qu’il ait, le pauvre petit ?

— Rassurez-vous, ce n’est qu’une indigestion. »

Elle conta comment elle se trouvait là, l’émoi de Lilou, ses appels, sa peur que son frère n’eût la scarlatine.

« C’est bizarre… prononça Hervé sans expliquer davantage sa pensée.

— Eh bien, Claire, observa Thérèse, et vos théories, qu’en avez-vous fait ?… »

Les yeux de la jeune femme avaient un éclat humide. Elle était émue, mais surtout contente, cela se devinait.

Elle poursuivit :

« C’est curieux ; nous sommes tous au château, et c’est vous que Lilou appelle ! »

De Kosen regarda Mme  Murcy : elle venait de l’exprimer, la pensée qu’il n’avait pas dite.

Mais Claire repartit :

« C’est bien simple : il me quittait. C’est pour cela que j’ai été la première dont le nom lui soit venu à l’esprit.

— Peut-être, en effet », murmura Thérèse.

L’une des bonnes s’offrit à son tour à porter Pompon. Mais alors ce fut celui-ci qui, un peu remis du terrible mal de cœur, se cramponna au cou de sa jeune tante.

« Me laisse pas. Ze veux que tu me tiendes tout le temps. C’est toi qui m’as ôté mon mal… »

Cependant, une fois le petit malade sur son lit, tandis que Kate lui préparait du thé et que Gretchen le déshabillait, Claire s’éclipsa, emmenée par Thérèse dans sa chambre.

La jeune femme riait.

« Quel joli démenti vous venez de vous donner, Clairette !

— Un démenti, parce que j’ai eu peur un instant ! Il est certain que je me suis laissé impressionner par les cris de Lilou : c’est irraisonné, ça.

— Oh ! ma chérie, en pareil cas le cœur ne prend jamais le temps de raisonner.

— Pouah ! » fit Claire, quittant sa robe avec dégoût.

Cécilia vint poser sur les bras de sa mère le bébé qu’elle promenait par l’appartement, ramassa la robe salie et l’emporta.

Un quart d’heure plus tard elle en présentait une autre à Mlle  Andelot ; s’étant rendu compte que, pour être parfait, le nettoyage prendrait beaucoup de temps, elle était allée en demander une à Sidonie.

Claire l’endossa, toute maussade, et voulut retourner chez elle aussitôt.

« Ne prendrez-vous pas des nouvelles de Pompon ? demanda Thérèse.

— Si, naturellement. Ce que je veux éviter, par exemple, c’est de rentrer dans sa chambre. Il aurait peut-être la fantaisie de vouloir me garder : merci bien ! Ma chère amie, quelle corvée d’élever des enfants ! Je souhaite n’en jamais avoir. »