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lier soit trouvé, impossible d’ouvrir un jour sur le toit en cette saison.

— Les fenêtres sont hautes et larges, elles suffiront en attendant. Quant aux aménagements intérieurs, vous me verrez à l’œuvre. J’adore menuiser, clouer, draper des étoffes. Il y a justement chez moi une bergère dans le genre de celle-ci, je la ferai apporter. Grand’mère prendra l’habitude de l’occuper souvent ; cela vous permettra de peindre sans la laisser seule. »

Grand’mère souriait, approuvait tout, et promettait de monter passer ses après-midi dans cet atelier qui n’existait pas encore.

Cela ne tarda pas beaucoup, il est vrai. Deux jours plus tard, la pièce située au-dessus de la salle à manger avait subi la transformation projetée.

Tout le jour, aidé de Germain, Hervé travaillait. Puis, le soir, une fois installé pour la veillée dans la chambre de grand’mère, il lisait à haute voix, tandis que Claire brodait ou faisait de la dentelle.

Car elle avait appris à manier les fuseaux. Bien amusante à contempler, Clairette, assise sur une chaise basse, sous la lumière de la lampe, le carreau sur les genoux, attentive à son ouvrage. Dans les moments difficiles, lorsque deux fuseaux s’embrouillaient ou qu’elle avait mal piqué ses épingles, elle avait une mine si affairée ! Ses sourcils se plissaient, sa bouche rieuse se rapetissait en une moue grave.

Si l’erreur n’était pas réparable sans le secours de Modeste, son professeur, il fallait la voir jeter là le carreau d’un mouvement de colère.

Dans ces moments-là, Hervé s’interrompait de lire et la regardait, un peu railleur.

« Je vous scandalise, hein ? s’exclama un jour Clairette. N’y faites pas attention. Vous savez, moi, quand une chose m’ennuie…

— Alors préparez le thé, puisque vous n’êtes plus occupée ; vous devez avoir appris, depuis une semaine que je le confectionne sous vos yeux, lui dit-il.

— Préparer le thé !… je m’en voudrais toute ma vie, si je vous évitais cette petite corvée : à chacun sa part. Je sais comment le faire, cela suffit. Je serai capable d’en offrir à nos hôtes… s’il nous en vient », soupira-t-elle.

Après un silence prolongé, la jeune fille articula, mélancolique :

« Comment espérer des visites, alors que les courriers eux-mêmes n’arrivent plus ?

— C’est vrai, remarqua Hervé ; pas de lettres depuis dix jours que j’ai quitté Paris. Je voudrais cependant bien recevoir des nouvelles des enfants ; je crains qu’ils ne donnent pas mal de tablature à Brigitte.

— Oh ! elle sait s’en faire obéir. Et votre beau-frère ?…

— Très faible, lui, très disposé à les gâter. Vous ai-je dit qu’ils habitaient Paris. Ludan vient d’être nommé officier d’ordonnance du général D…

— Mais non ! repartit grand’mère du fond de ses oreillers, tu ne nous as pas annoncé cela. Brigitte doit être contente.

— Tout à fait. »

Le surlendemain seulement, le facteur put gravir la colline, un froid très vif ayant durci la neige de façon à porter piétons et véhicules.

Il était chargé d’un volumineux courrier à l’adresse des habitants de la vieille maison.

Chacun lut ce qui lui était destiné. On échangea les nouvelles reçues.

« On te parle des petits ? s’informa grand’mère.

— Oui. Je vais vous lire cela. »

On finissait de déjeuner.

Les trois convives transportèrent leurs tasses à café encore pleines sur la table à jouer, on remit des bûches au feu, on se serra alentour.

Après avoir rapidement parcouru la lettre de sa sœur, Hervé annonça :

« Attendez-vous à des énormités. Oh ! les brigands !