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MICHEL ANTAR

un petit sac de soie, la prime attribuée aux lauréats du concours d’Antilian School.

Une heure auparavant était arrivé le jeune marin pour lequel Mrs Kethlen Seymour avait demandé passage, et il avait été conduit à la cabine qu’il devait occuper.

Tout était prêt pour l’appareillage du lendemain, et, au lever du soleil, l’Alert aurait quitté le port de Bridgetown, sa dernière relâche aux Indes Occidentales.

Jules Verne.

(La suite prochainement.)

KSOUR ET OASIS[1]

CHEVAUCHÉES D’UN FUTUR SAINT-CYRIEN À TRAVERS LE SUD-ORANAIS

VIII (Suite.)
Bou Amama et l’insurrection de 1881.

« Ces différents événements contribuèrent à augmenter l’agitation des Trafis. Mais, pour être en mesure de faire défection, il faut aux nomades des provisions, sans quoi ils risqueraient de mourir de faim. On peut même étendre cette donnée en disant : l’indigène ne se lance dans l’insurrection que lorsqu’il est riche, c’est-à-dire après plusieurs bonnes années, pendant lesquelles il a pu convenablement vendre ses moutons ou ses laines et acheter l’orge ou le blé à bon compte.

« Dans le but précisément de ne pas les laisser maîtres absolus de leurs ressources, on les obligeait à emmagasiner leurs grains dans des silos, groupés en un même lieu pour tous les gens d’une tribu, sous la garde de l’autorité.

« Or les Trafis avaient leurs grains ensilosés près du poste des Saules[2]. Par surprise ils purent les enlever à cette même époque. Rien ne s’opposant donc plus à leur soulèvement, ils rejoignirent Bou Amama, qui rôdait au sud de nos ksour.

« Beaucoup, dès lors, demandaient la guerre sainte ; cependant il restait quelques indécis ; un miracle survint qui les entraîna définitivement en les convainquant que celui qui voulait les conduire était bien l’envoyé de Dieu. « Il y a encore ici, disait Bou Amama aux plus enflammés qui le pressaient de marcher, des traîtres qui ont projeté de me livrer à nos ennemis. Je ne les connais point, mais Dieu les dévoilera et les punira. Alors seulement j’agirai. » Un jour, effectivement, un homme s’approcha de lui tandis qu’il s’isolait dans la prière, avec le dessein sûrement de l’appréhender, puis, aidé par des complices, de l’enlever. Mais lui, soudain illuminé, devina ses projets. D’une baguette qu’il tenait à la main il toucha légèrement le perfide au bras et le cloua sur place, et l’on vit alors le pistolet que cet homme portait suspendu au cou par une cordelière, se soulever de lui-même, se dresser contre la poitrine du misérable, partir sans que personne eût touché la gâchette et le renverser mort.

« — Ainsi périront les traîtres ! » fit le marabout à ceux qui de près avaient vu le prodige.

« Dès lors, pouvait-on douter que Bou Amama fût l’élu de Dieu, celui qui devait rejeter les Français à la mer ? Il ne restait plus qu’à le suivre maintenant, puisque c’était écrit !

« Et un enthousiasme indescriptible s’éleva. Les femmes et les enfants parcouraient les campements en agitant des étendards et en

  1. Voir les nos 180 et suivants.
  2. Le poste des Saules, construit à la pointe du chott Chergui, occupé par une section de la Légion, gardait la vieille route de Géryville à Saïda ; il a été supprimé en 1897.