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fait, répliqua Jock à la hâte. C’est un très bon chien, je vous assure ; son nom est Tramp. Il vous donnera la patte, si vous le voulez. »

Le visage du vieux monsieur devint écarlate. Il fronça les sourcils, sous lesquels ses yeux lançaient des éclairs de rage. Quand le petit garçon eut fini de parler, il s’abandonna à un accès de fureur.

« Tramp ! Vraiment, vous lui avez choisi un joli nom. Et vous voudriez encore que je caresse cette affreuse bête ! Comment avez-vous osé l’amener dans ma chambre ! Sonnez immédiatement et mettez ce chien à la porte ! Qu’on en fasse ce qu’on voudra ; je n’en veux pas chez moi. »

Jock, stupéfait, avait écouté en silence. Il pâlit, mais ne se retira pas. Il prit Tramp dans ses bras et dit au vieillard :

« Si mon chien doit partir, je m’en irai aussi. Nous retournerons tout droit à la maison. Je n’avais pas l’intention de l’emmener, c’est lui qui m’a suivi ; puisqu’il est ici, je ne l’abandonnerai pas. Il peut n’être pas beau, mais c’est une bonne bête. Si vous m’aviez laissé le temps de vous expliquer comment il m’a accompagné, vous ne le jugeriez pas si mal. »

M. Grimshaw n’était pas habitué à se voir braver de la sorte ; cependant, en écoutant son étrange visiteur, la colère disparut de son visage pour faire place à une expression presque sympathique.

« Parlez alors et dites ce qu’il en est », répondit-il. Jock déposa Tramp sur une chaise, et, le bras autour du cou de l’animal, fit le récit des aventures du matin.

« Votre chien doit vous aimer follement ? dit le vieux monsieur, quand Jock eut terminé.

— Il m’aime plus que personne en ce monde.

— Et vous, c’est à lui sans doute que vous donnez la préférence ?

— Oh non ! s’écria le petit garçon. Je dois préférer maman et Doris ; mais quand je leur aurai, selon mon espérance, assuré un avenir tranquille, j’habiterai seul avec Tramp. Alors je ne supporterai pas qu’on appelle mon chien une vilaine bête, car il m’aime. Je sais que je ne suis pas joli, moi non plus, mais lui ne pense jamais à cela. »

M. Grimshaw lui tendit la main gravement : Jock en fut ravi.

« Mon enfant, je crois, après tout, que nous serons bons amis. Quant à Tramp, je lui demande pardon de mes injures. Je serai heureux de le caresser ; car, s’il n’est pas beau, il faut admettre qu’il est un fidèle serviteur ; je n’essayerai plus de vous en séparer. »

Ce soir-là, quand Jock monta se coucher, Tramp le suivit ; puis, sur le pied du lit de son maître, passa une nuit de parfait bonheur.

A. Decker.

(La suite prochainement.)

LE GÉANT DE L’AZUR
Par ANDRÉ LAURIE

XI

Folie contagieuse.


Cinq jours s’étaient écoulés depuis que les naufrages étaient venus s’échouer sur cette côte inhospitalière, et pas le moindre bateau n’avait paru à l’horizon. En vain, ils interrogeaient l’immense plaine liquide et apportaient tous leurs soins à entretenir nuit et jour le feu de la falaise. Autant qu’ils en pouvaient juger, pas un être humain n’était passé à proximité de leur détresse.

Fidèle aux habitudes de discipline de toutes