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BOURSES DE VOYAGE

ces misérables, inutile !… Ils n’en avaient aucune à attendre.

Ainsi tout aurait réussi à cet audacieux malfaiteur. Ses projets se seraient réalisés jusqu’au bout. Il aurait eu raison contre les hésitations de John Carpenter et de quelques autres. La navigation à travers les Antilles ne les avait pas trahis, et cette relâche à la Barbade leur valait une somme de sept mille livres, sans parler de la prime accordée par Mrs Kethlen Seymour.

Le marin embarqué sur l’Alert s’appelait Will Mitz. Il n’était âgé que de vingt-cinq ans, — à peine cinq années de plus que Roger Hinsdale, Louis Clodion et Albertus Leuwen.

Will Mitz, de taille moyenne, vigoureux, bien découplé, agile et souple comme l’exige le métier de gabier, offrait tous les caractères de l’honnêteté et de la franchise. C’était aussi un garçon serviable, de bonnes mœurs, d’une conduite irréprochable, très pénétré de sentiments religieux. Jamais il n’avait encouru une punition, et nul ne montrait plus de soumission ni déployait plus de zèle dans le service. Embarqué dès l’âge de douze ans en qualité de mousse, il devint successivement novice, puis matelot, puis quartier-maître. C’était le fils unique de Mrs Mitz, veuve depuis plusieurs années, qui occupait des fonctions de confiance au château de Nording-House.

Après un dernier voyage dans les mers du Sud, Will Mitz resta près de sa mère pendant deux mois. Mrs Kethlen Seymour avait pu apprécier les qualités de cet honnête garçon. Grâce à ses relations, il venait d’obtenir ce poste de second maître à bord d’un bâtiment en chargement à Liverpool pour Sydney de l’Australie. Nul doute que Will Mitz, ayant de bonnes connaissances pratiques en navigation, intelligent, zélé, ne dût faire son chemin et acquérir plus tard la position d’officier dans la marine marchande. Enfin, brave, résolu, il possédait cet imperturbable sang-froid, ce juste coup d’œil, indispensables aux gens de mer, et qui doit être leur première qualité.

Will Mitz attendait à Bridgetown l’occasion de s’embarquer pour Liverpool, lorsque l’Alert mouilla dans le port de la Barbade. C’est alors que Mrs Kethlen Seymour eut la pensée de s’entendre avec le capitaine Paxton afin d’assurer le retour du jeune marin en Europe. C’était donc dans des conditions très agréables que Will Mitz allait traverser l’Atlantique pour Liverpool, où le trois-mâts devait se rendre, le port même d’embarquement de Will Mitz. De là, M. Horatio Patterson et ses jeunes compagnons regagneraient Londres par chemin de fer et rentreraient à Antilian School, où ils seraient accueillis comme ils le méritaient.

Du reste, Will Mitz n’entendait point rester oisif au cours de la traversée. Le capitaine Paxton ne demanderait pas mieux que de l’employer pour remplacer cet homme qu’il avait eu le malheur de perdre dans la baie de Cork.

Le soir du 21, Will Mitz avait apporté son sac à bord de l’Alert, après avoir pris congé de Mrs Kethlen Seymour et embrassé sa mère. Il était, en outre, gratifié d’une petite somme que la bonne châtelaine le força d’accepter — somme qui lui permettrait d’attendre à Liverpool le départ de son bâtiment.

Bien que tous les cadres du poste de l’équipage ne fussent pas occupés par ses hommes, Harry Markel préféra ne point mettre Will Mitz avec eux. Cela aurait pu être un embarras à l’accomplissement de ses projets. Il restait une cabine libre dans la dunette, et le nouveau passager s’y installa aussitôt. En arrivant, Will Mitz dit à Harry Markel :

« Capitaine Paxton, je désire me rendre utile à bord… Je suis à votre disposition, et, si vous le voulez bien, je ferai le quart à mon tour…

— Soit », répondit Harry Markel.

Il convient de dire que Will Mitz fut peu favorablement impressionné en observant le