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serait son jeune parent disposer à sa guise de toute la matinée.

Jock, ravi de sa liberté, prit le temps de faire sa toilette, puis descendit dans la vaste salle à manger, où il déjeuna dans un solennel apparat, assisté de deux valets, pendant que Tramp se tenait tranquillement sur une chaise à côté de lui.

Ensuite, maître et chien partirent pour explorer les alentours. Jock s’arrêta un instant pour donner un coup d’œil à l’extérieur de la maison, que baignait la brillante clarté du matin.

C’était un bâtiment de pierre grise, surmonté d’un toit d’ardoise. Pas un décor n’adoucissait la sévérité de ses lignes, à part le lierre qui, çà et là, avait garni les vieux murs battus par le vent. Cette maison avait un aspect presque farouche, mais elle ne manquait pas d’un air de dignité. Elle était construite sur une hauteur ; les pelouses et les jardins qui lui faisaient suite étaient seuls cultivés. Au delà, de grandes landes, des collines, des vallons verts et pourpres s’étendaient à perte de vue, coupés par des monticules aux formes bizarres qui avaient intrigué Jock, la nuit précédente et qui, à cette heure, n’apparaissaient plus que comme d’immenses blocs de rochers dispersés sur la lande.

Le jeune promeneur était ravi de ce paysage sauvage. Quittant la route qui se déroulait dans le sombre lointain en un long ruban blanc, il se dirigea vers un massif de sapins qui couronnait une colline escarpée.

Tramp et son maître couraient, le cœur débordant de joie. Après avoir longtemps grimpé, harassés de fatigue, ils s’étendirent tous deux à l’ombre des arbres.

Comme ils se reposaient tranquillement, l’un à côte de l’autre, le calme de la solitude fut tout à coup troublé par un bruit d’une nature inconnue à Jock. Il se lève avec curiosité, anxieux de ce qui va arriver.

Rien n’apparaît et le bruit continue, mêlé de voix d’hommes que l’on entend distinctement. L’enfant se fraye un passage à travers les broussailles, et arrive sur un terrain nu, où s’élève un bâtiment qu’il suppose être une scierie. Il n’a jamais visité un semblable établissement ; mû par l’intérêt, il s’avance sans hésitation : les deux hommes, occupés à leur travail, se retournent à sa soudaine apparition.

Ils le saluent avec un bon sourire, et contents de l’attention que l’enfant prend à leur travail, ils lui expliquent bientôt tous les détails de la machine, mais dans leur dialecte du Nord, bien étrange pour ses oreilles.

Ainsi, Jock passa une matinée délicieuse, et il est fort douteux qu’il se fût souvenu de l’heure du dîner si ses nouveaux amis n’avaient eux-mêmes laissé leur travail pour prendre leur repas. Après un amical « au revoir », l’enfant s’achemina vers Gray-Tors. Il s’arrêta un instant pour baigner Tramp, dont il compléta la toilette au moyen d’une brosse que lui prêta le palefrenier de son oncle. En retour l’animal tua deux gros rats et gagna ainsi les bonnes grâces des garçons d’écurie.