Page:Hetzel - Verne - Magasin d’Éducation et de Récréation, 1903, tomes 17 et 18.djvu/737

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dans sa route… C’est cela… très bien !… À présent, faites-le monter… houp !… parfait ! … redescendez !… Oh ! mais les choses vont toutes seules… Passons à une manœuvre un peu plus compliquée : virez de bord, à gauche !… à droite !… Vous êtes née pour être aéro-pilote !… »

Aussi adroite qu’intelligente, Nicole avait d’emblée saisi le mécanisme très simple qui faisait manœuvrer l’aviateur ; et, bien que sous la main plus faible l’impulsion donnée fut moins hardie et en quelque sorte hésitante, le grand oiseau poursuivait sa route aérienne, allant droit comme une flèche vers le but désiré.

« C’est parfait, nous sommes hors d’affaire ! » s’écria Gérard en reprenant sa place, tandis que Nicole s’agenouillait auprès d’Henri pour lui tâter le pouls et écouter sa respiration.

« Nicole, remarqua-t-il, je suis vraiment un garçon chanceux. Une sœur comme Colette pour traverser l’Afrique, et une sœur comme vous pour voguer dans les nuages, ce n’est pas banal !… On peut dire que le sort m’a bien traité…

— Et croyez-vous qu’on rencontre souvent un frère comme vous ? demanda Nicole avec un affectueux sourire.

— Mais vos frères à vous, tous les vôtres ?… Parlez-moi un peu de vous tous, mon amie… Il y a si longtemps que nous sommes privés de nouvelles ! »

Deux larmes brillèrent dans les grands yeux gris de la jeune fille et coulèrent lentement sur ses joues amincies.

— Nous tous !… répéta-t-elle. Savez-vous combien nous sommes maintenant, nous que vous avez connus si nombreux et si prospères ? … Nous étions quinze, filles et garçons ; avec le père et la mère cela faisait dix-sept qui nous réunissions autour de la table familiale… Quand on m’a faite prisonnière, il ne restait de cette puissante lignée que ma mère, moi et le dernier-né, un enfant de seize mois… Tous morts… tous tombés au champ d’honneur… depuis notre aîné Agrippa jusqu’à ma petite Lucinde, ma sœur bien-aimée… fauchée dans sa fleur par une balle anglaise…

— Ma pauvre Nicole !… Mais par quel miracle avez-vous échappé au massacre ?