Page:Hetzel - Verne - Magasin d’Éducation et de Récréation, 1903, tomes 17 et 18.djvu/767

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regrette que notre carriole soit en si mauvais état, ajouta-t-elle en redressant avec une vigueur masculine un véhicule délabré posé sur ses brancards, sous un petit auvent voisin ; mais, depuis que nos hommes sont morts… on n’a plus eu de cœur à rien… »

Aidée par Gérard, elle eut bientôt harnaché le cheval qui vint de lui-même se placer entre les brancards ; Henri ayant remis un billet de banque à la fermière, en ajoutant qu’il en donnerait autant à Rosenn pour ses emplettes, les voyageurs s’installèrent dans la carriole avec la jeune fille et partirent au grand trot, suivis par les bénédictions de la digne femme.

Le trajet n’était pas sans difficultés par les routes défoncées, dans la nuit déjà tombante. Mais Rosenn connaissait bien les chemins, et, sur un simple claquement de langue, le poney, dressant les oreilles, pressait son allure déjà vive et surmontait tous les obstacles. Et, comme Gérard louait la brave petite bête, Rosenn leur conta des traits merveilleux de son intelligence et de son courage, ajoutant, comme sa mère, qu’il ne pouvait souffrir les red neck et l’avait prouvé cent fois au cours des hostilités.

On traversait une contrée ravagée par la guerre. Partout des fermes en ruines, des champs saccagés, des tronçons de voie ferrée