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davantage par ces copistes ignorants ? Tout nous interdit d’imputer à Hippocrate de si grandes irrégularités, quand bien même nous accorderions, qu’à la manière des grands hommes, il a eu souvent peu de souci de son expression. Ceux qui prétendent expliquer ces irrégularités par le long séjour que fit Hippocrate parmi les Grecs parlant d’autres dialectes, me semblent accuser le divin vieillard plutôt que l’excuser. S’ils avaient été assez heureux pour démontrer leur opinion, j’aurais mieux fait de m’abstenir d’introduire, dans le texte d’Hippocrate, des corrections condamnées dès lors comme mauvaises et injustes. Mais il importera de combattre de telles hypothèses, si, tout en reconnaissant qu’à cette époque les écrivains pouvaient se servir, dans la prose, d’un autre dialecte que l’ionien, je montre par des arguments manifestes tirés de l’histoire, que c’était celui dont on se servait habituellement. En effet, il faut placer vraisemblablement chez les Ioniens, qui précédèrent dans cette carrière les Grecs d’Europe, la composition des premiers ouvrages en prose, de même que des premières poésies ; car on rapporte qu’ils se sont servis, avant tous les autres, de l’alphabet ionien, de 24 lettres, lequel n’a été reçu par le peuple athénien que sous l’archontat d’Euclide, 403 avant J.-C.[1]. Bien que je ne veuille pas considérer Hérodote comme le père de l’ionien écrit, cependant on peut croire à l’honneur dont ce dialecte a joui, si l’on se rappelle qu’Hérodote lut, aux jeux olympiens et puis dans la fête des Panathénées, les neuf livres de son histoire, aux applaudissements universels de la Grèce. Comment nier qu’Hippocrate, qui était presque son contemporain, ait employé le même dialecte, d’autant plus qu’on retrouve, dans les écrits du médecin de Cos, tant de traces conservées du dialecte ionien ? L’exemple d’Hérodote et d’Hippocrate qui, bien que Doriens, s’en sont servis[2], montre qu’il a eu la pré-

    de Dioscoride et d’Artémidore Capiton n’ont influé que bien peu sur le texte tel qu’il nous a été transmis par les copistes.

  1. Wolf., Proleg., p. 63.
  2. Hipp., Epist., p. 897. Τῷ γένει μὲν οὖν ἐστι Δωριεὺς, πόλεως δὲ Κῶ. Æl. Var. hist. IV, 20. Λέγουσι δὲ Δωριέα ὂντα Ἱπποκράτην, ἀλλ’οὖν καὶ τοῦ Δημοκρίτου χάριν τῇ Ἰάδι φωνῇ συγγράψαι τὰ συγγράμματα.