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de l’ancienne médecine.

reposent sur une base semblable. Ses arguments, dirigés contre des médecins disciples de la philosophie d’Elée, portent, dans la série des siècles, contre les Pneumatiques, qui plaçaient les maladies dans le pneuma, contre les Méthodiques, qui les attribuaient au laxum et au strictum ; contre les Iatrochimistes, qui en accusaient ou la fermentation, ou l’alcalinité, ou l’acidité ; contre ceux enfin qui les imputaient à l’incitabilité ou à l’irritation. Dans tous ces systèmes en effet, on part d’une hypothèse : c’est qu’il n’y a dans le corps que la propriété d’après laquelle on systématise toute la pathologie ; or, l’hypothèse est trompeuse, dit Hippocrate, elle éloigne des réalités, et il ajoute qu’elle est même inutile dans une science qui a des faits pour point de départ. Stahl a répété avec une grande justesse, après Hippocrate : « Debet ante omnia medica pathologia occupari circa res veras qua vere sunt et existunt (Stahl, p. 442).

La méthode d’Hippocrate ressort immédiatement de sa polémique ; avant tout, il veut que la médecine s’étaie sur les observations, sur les faits, sur ce qu’il appelle la réalité, mais ce n’est pas tout, et là ne se borne pas la règle qu’il impose. Les observations, les faits la réalité sont bien sans doute ce que chacun voit et éprouve[1] ; mais le domaine en est encore plus étendu, et la tradition de la science fournit des observations, des faits, une réalité qu’il faut prendre en considération et développer par un sage emploi du raisonnement, λογισμῷ προσήκοντι. Certes, il est impossible d’avoir une vue plus nette et plus étendue de l’étude de la médecine.

Voilà la méthode d’Hippocrate ; voici son système. Il vit, dans le corps humain, pendant la santé et pendant la mala-

  1. À ce sujet je ne puis m’empêcher de signaler une ηouvelle ressemblance de Platon, avec l’auteur du livre de l’Ancienne Médecine. Hippocrate y dit qu’il ne faut pas s’écarter de la réalité (ἀποτεύξεσθαι τοῦ ἐόντος). Platon dit de même, que l’être qui pourrait se dépouiller des sens et de tout le corps pour n’user que de l’intelligence, rencontrerait plus que tout autre, la réalité (ὁ τευξόμενος τοῦ ὄντος, Phœdon, t. 1, p. 114, Éd. Tauchn.)