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Page:Hippocrate - Œuvres complètes, traduction Littré, 1839 volume 4.djvu/489

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nière limite est dangereux ; demeurer stationnaire au même point est impossible ; or, ne demeurant pas stationnaire, et, d’autre part, ne pouvant plus marcher vers le mieux, empirer est la seule voie qui reste. Pour ces motifs, il faut dissiper cet état sans retardement, afin que le corps recommence sur nouveaux frais la réparation ; il faut aussi non pas porter à l’extrême les atténuations [gymnastiques] (car il y a des risques), mais aller jusqu’au point compatible avec la constitution de l’individu soumis au régime. De même, les évacuations [médicales] poussées à l’excès sont dangereuses, et, réciproquement, les réparations qui sont à l’extrême limite ont du danger[1].

4. Une diète tenue et stricte est dangereuse, dans les maladies longues toujours, et, parmi les maladies aiguës, dans

  1. Il est difficile de se rendre un compte satisfaisant du raisonnement suivi dans la fin de cet aphorisme. Voici comment Galien l’explique : De même que chez les athlètes, il faut se hâter de dissiper un excès d’embonpoint, et pourtant ne pas porter les évacuations à l’extrême limite ; de même dans tous les cas où le médecin croira devoir évacuer, il ne portera pas les évacuations à l’extrême limite, et ne poussera pas non plus la restauration jusqu’au dernier degré. Suivant Galien, les athlètes sont un exemple physiologique qui montre que dans les cas pathologiques les évacuations ni les réparations ne doivent être portées aussi loin que possible. Cette explication est assez heureuse ; cependant on peut trouver l’enchaînement des idées peu naturel, puisque dans le cas des athlètes c’est la réplétion qui précède et l’évacuation qui suit, et dans le cas des malades c’est l’évacuation qui précède et la réparation qui suit. Une autre objection naît du texte même : en effet, ἐν τῷ ἐσχάτῳ ἐοῦσαι signifie non poussées, mais placées à l’extrême limite. Galien l’avait bien senti, car il dit que, si la forme de la phrase est contre lui, le sens général est pour lui. Quelques commentateurs avaient, en effet, expliqué autrement cette portion de l’aphorisme : traduisant mot à mot ἐν τῷ ἐσχάτῳ ἐοῦσαι, ils disaient que les réparations, quand le corps avait été excessivement atténué par les évacuations, étaient dangereuses. À cette explication, Galien objecte qu’alors l’exemple des athlètes aura été donné en vain, et que ὡσαύτως δὲ καὶ αἱ κενώσιες κτλ. serait une oiseuse répétition de la phrase immédiatement précédente. Damascius, dans Dietz, a suivi le sens des commentateurs blâmés par Galien, mais il saute ὡσαύτως δὲ καὶ αἱ κενώσιες κτλ. ; ce qui détruit, il est vrai, l’objection tirée de la répétition, mais est évidemment contraire à l’autorité des textes. On voit par cette discussion que les idées ne sont pas très-étroitement enchaînées dans cet aphorisme, et que Sinapius (De vanitate aph.) n’a pas eu tout à fait tort de dire : Præsens aphorismus vere est funiculus ex arena, nam nullibi cohæret. Exposant dans une note les difficultés de l’explication, j’ai cru devoir, dans la traduction, laisser à ἐν τῷ ἐσχάτῳ ἐοῦσαι le double sens que les anciens y trouvaient. Seulement, pour rendre plus claire la séparation du cas physiologique et du cas pathologique, j’ai ajouté d’une part gymnastiques et de l’autre médicales. On sait que les athlètes étaient soumis à un régime que réglaient les maîtres des gymnases d’après un empirisme très-sûr dans ses résultats ; ce régime était un véritable entraînement, les maîtres de gymnase étaient des entraîneurs, Hippocrate distingue l’athlète soumis au maître gymnaste du malade soumis au médecin, et l’évacuation procurée par le premier de l’évacuation procurée par le second.