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UN VIEUX BOUGRE

— Vous nous offrez quelque chose, monsieur le militaire ?

La voix n’était plus d’une extrême fraîcheur, mais le ton en était câlin. Le soldat, se grattant une oreille, répondit :

— Dam’ !… ce n’est pas non… ni oui à c’te heure… D’abord, v’s êtes deusses… et j’suis tout seul…

Les deux femmes échangèrent très sérieusement des impressions sur lui, comme s’il n’avait pu les entendre :

— Il est vraiment bien, dit l’une.

— Moi, y m’plairait assez, déclara l’autre.

Michel tortilla sa moustache et il leur rit bêtement. Elles se ressemblaient par la pauvreté de leur mise voyante, l’effronterie du regard dur et triste, le rouge artificiel de la bouche. Elles portaient au cou le même ruban de velours noir, étroit. On devinait, sous le satin grenat de leurs chemisettes pareilles, des épaules maigres, des bras d’enfant, des omoplates décharnées. Elles portaient, chacune, un tablier court et des souliers à talons hauts, sales d’ancienne boue. Telles, cependant, elles