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Page:Hirsch - Un vieux bougre, 1908.djvu/250

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UN VIEUX BOUGRE

Ainsi, il arriva à sa maison. Laissant dehors ses sabots, il entra et, s’adressant au paquet :

— Nous v’là rendus chez nous, là !… dit-il ; et il le jeta sur la table avec force, pour qu’il tintât.

Le son éveilla chez cet homme les images de son passé qui avait englouti des destinées, de même qu’au tour d’un feu de forge intense l’ombre absorbe toutes les choses. Il demeurait, les prunelles pleines de lumière, à contempler cette loque bleue nouée de ficelle, où tenait un atome de la force qui crée, entre les individus, l’inégalité la plus brutale après les différences originelles. Sa mémoire animait la matière d’une vie ardente comme avait été la sienne. Et il écoutait des cris, des sanglots, des râles d’amour, des supplications exténuées. Il voyait des scènes d’épouvante et de luxure, dans l’ivresse d’avoir réparti la mort et la joie au long de ses jours nombreux, avec l’aveuglement d’un dieu fatal excédé de la perfection et jaloux de ses créatures.

Dans le lit, Mlle Youyou remerciait sa mère de l’avoir mise au monde. Sa voix gémissante et