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UN VIEUX BOUGRE

damnaient, de nourrir une ambition mesquine. Au reste, il parlait peu et ils attribuaient sa continence à l’âge, à la fatigue.

Il vieillissait, vraiment. La vie se retirait de ses membres gourds et de son corps desséché. Sa pensée s’appesantissait dans la contemplation des lieux qu’il avait parcourus et la mémoire de ses actes violents. Il ignorait le remords ; même, il lui arrivait de goûter la saveur du mal accompli, vivifié d’une âpre joie, l’orgueil au cerveau ainsi qu’à la minute criminelle ; et il regardait avec gratitude ses mains énormes étalées sur ses cuisses maigres.

Par choc en retour, il se souvenait aussitôt de ses humiliations récentes. Quand il ouvrait une cachette pour voir, palper, baiser les pièces de monnaie, sa jouissance le décevait, si complète qu’elle fût. Seul dans sa masure close, à plat ventre près de la mauvaise lanterne d’écurie dont la mèche basse charbonnait, lorsqu’il se caressait les joues au tas d’or amassé entre ses bras, il appréhendait d’être volé, il maudissait la perte de sa vigueur, il accusait les siens de vouloir le dépouiller.