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UN VIEUX BOUGRE

la Mabrouka l’avait arraché du sol beauceron et jeté dans l’univers comme une force souveraine.

De Magellan au cap Nord, d’Irkoutsk aux prairies australiennes, des solitudes asiatiques aux jardins clairs de la Toscane, transgresseur des lois, sujet de ses seules passions, n’avait-il donc roulé, bataillant, victorieux, impitoyable, que pour subir la tutelle d’un enfant timoré ! Ah ! il lui fallait l’espace encore, les horizons renouvelés, les contrastes du chaud, du gel, de la montagne, des marées furieuses, et il finirait son destin, l’âme saoule de grandeur, parmi des gens que son cadavre effraierait !

Au lieu de cela, il n’avait pas su refuser à Michel ces cinquante francs qui manquaient aux filles, il supportait sa déférence hypocrite, et il achèverait de vivre, sans plus rien contempler que les mêmes visages, les mêmes arbres, les mêmes toits, les quatre saisons sur la plaine plate, immense, toujours semblable d’année en année.

S’il laissait couler une poignée d’or, les pièces en tintant lui disaient tout ce qu’on peut obtenir