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Page:Hirsch - Un vieux bougre, 1908.djvu/42

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UN VIEUX BOUGRE

aux quatre vents de la plaine, dans les rumeurs des caissons, des voitures, de l’artillerie, et la voix perçante des fifres. L’écho sourd des canonnades ébranlant les masures avait annoncé aux invalides, aux femmes et aux petits, les événements qui advenaient à distance et dont les chiens mêmes ressentaient une inquiétude.

Retenu au foyer par une tare congénitale de la jambe droite, Michel se rappelait sans horreur ces temps maudits. Il soignait sa mère inconsolable après quinze années, du départ de son homme disparu un soir pour Dieu sait quelles aventures. Elle en parlait d’un ton accablé, Pénélope rurale que tout lie à l’unique souvenir personnel d’une carrière morne et passive.

Ce lamento opiniâtre avait révélé à l’adolescent l’aspect grave et douloureux de l’amour qui fascine les plus belles âmes. La sienne, formée à une époque tragique et par la confidence d’une inguérissable tristesse, devint une âme timide en ses mouvements. La douceur devait la capter, plutôt qu’elle ne subirait la loi physique de son corps attiré vers une grâce de femme. Longtemps avant d’oser le moin-