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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/135

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Le comte et Bohémond partirent donc pour Port-Saint-Siméon[1]. Nous, qui restâmes groupés en un seul corps, nous commencions le château[2], quand, les Turcs s’étant préparés, firent une sortie et vinrent au-devant de nous pour combattre. Ils s’élancèrent sur nous, mirent les nôtres en fuite et en tuèrent plusieurs, ce qui nous causa une grande douleur[3].

Le lendemain[4] les Turcs, voyant que nos chefs étaient absents et s’étaient dirigés le jour précédent vers le port, se préparèrent et sortirent à la rencontre de ceux qui arrivaient du port. En voyant arriver le comte et Bohémond à la tête de cette troupe, ils se mirent à grincer des dents, à pousser des huées et de grands cris, puis enveloppèrent les nôtres, les criblèrent de javelots et de flèches, les blessèrent et les sabrèrent cruellement. Ils attaquèrent les nôtres avec une telle violence que ceux-ci prirent la fuite dans la haute montagne et partout où s’ouvrait une issue : quiconque put se dérober par une fuite rapide échappa vivant, quiconque ne put fuir trouva la mort[5]. Ce jour-là, plus de mille de nos chevaliers et de nos piétons[6] subirent le martyre et, comme nous le croyons, ils montèrent au ciel où ils reçurent la robe blanche du martyre.

    le 17 novembre 1097 (Raimond d’Aguilers, 5, p. 241 ; Cafaro, Liberatio Orientis, dans les Historiens occidentaux, t. V, p. 50) et, le 4 mars 1098, des navires anglais, sur l’un desquels se trouvait Bruno de Lucques (lettre du clergé et du peuple de Lucques, dans les Epistulae et chartae, p. 166).

  1. Ils n’emmenaient que soixante chevaliers (voir lettre no 2 d’Étienne de Blois, dans les Epistulae et chartae, p. 166).
  2. C’est-à-dire le château dont la construction était résolue.
  3. D’après Raimond d’Aguilers (7, p. 248) et Anselme de Ribemont (lettre no 2, dans les Epistulae et chartae, p. 158), la défaite fut due à l’indiscipline des croisés.
  4. Le 6 mars 1098.
  5. Récit analogue dans la deuxième lettre d’Étienne de Blois (Epistulae et chartae, p. 151) et dans Raimond d’Aguilers (8, p. 248-249).
  6. D’après Étienne de Blois, les croisés ne perdirent dans ce combat que 500 piétons et deux chevaliers.