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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/155

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Ces événements eurent lieu le troisième jour de juin, cinquième férié, trois jours avant les nones de juin. Toutes les places de la ville étaient encombrées de cadavres, au point que nul ne pouvait y séjourner à cause de la puanteur. On ne pouvait circuler dans les rues qu’en marchant sur les cadavres des morts.


[NEUVIÈME RÉCIT]
[Siège d’Antioche par les Turcs (5-28 juin 1098)]

[21.] Courbaram[1], chef de la milice du soudan de Perse[2], étant encore en Khorassan, avait reçu de Cassian, amiral d’Antioche, plusieurs messages qui lui demandaient de le secourir en temps opportun, car, tombé dans le plus grave embarras, il était assiégé dans Antioche par la courageuse nation des Francs. Si Courbaram lui fournissait des secours, il lui livrerait la ville d’Antioche ou, du moins, lui donnerait une riche récompense. Courbaram avait réuni depuis longtemps déjà une grande armée de Turcs. Ayant reçu du calife, qui est leur apostolique[3], licence de tuer les chrétiens, il prit immédiatement la longue route qui mène à Antioche.

L’amiral de Jérusalem vint à son aide avec son armée ; le roi de Damas vint aussi avec une grosse troupe et Courbaram rassembla des masses innombrables de païens. Turcs, Arabes, Sarrasins, Publicains, Azymites, Kurdes[4], Persans,

  1. Courbaram (appelé Corbaga par Raimond d’Aguilers, Corba- gath par Foucher de Chartres, Κουρπαγάν par Anne Comnène, Kerbôga par les historiens arabes), émir de Mossoul, au service des sultans seldjoucides de Perse.
  2. La Perse désigne l’empire turc seldjoucide, gouverné par le sultan Barkariok (1092-1104).
  3. Le calife abbasside de Bagdad, dont les Turcs reconnaissaient l’autorité spirituelle : d’où sa naïve assimilation au pape des chrétiens.
  4. Curti, les Kurdes, que l’on trouve déjà établis en grand nombre hors de leur pays d’origine, en particulier en Syrie.