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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/165

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ces raisons, je te supplie, très cher fils, d’écouter mes conseils et de ne jamais discuter la possibilité ou caresser le dessein de commencer la guerre contre la nation chrétienne. »

À ces remontrances maternelles, Courbaram répondit fièrement : « Qu’est-ce donc, ma mère ? Que me racontes-tu là ? Es-tu folle et la proie des furies ? J’ai avec moi plus d’émirs qu’il n’y a de chrétiens, grands ou petits ». — « Très doux fils, répondit sa mère, les chrétiens ne peuvent soutenir le combat contre vous ; je sais qu’ils sont incapables d’engager la bataille contre nous, mais leur Dieu combat chaque jour pour eux ; jour et nuit il les défend par sa protection, comme un pasteur veille sur son troupeau, et il ne permet pas qu’ils soient lésés ou troublés par une nation quelconque ; et ceux qui veulent leur résister, leur Dieu les trouble à leur tour, comme il l’a dit par la bouche du prophète David : Dissipe les nations qui veulent la guerre[1], et ailleurs : Déverse ta colère sur les nations qui ne t’ont pas connu et sur les royaumes qui n’ont pas invoqué ton nom[2]. Avant même qu’ils se soient préparés à commencer une guerre, leur Dieu tout-puissant et invincible a déjà vaincu tous leurs ennemis avec ses saints ; à plus forte raison, que fera-t-il de vous qui êtes ses ennemis et qui vous préparez à leur résister de toute votre force ? Sache-le, mon très cher, en toute vérité : ces chrétiens sont appelés les fils du Christ et, par la bouche des prophètes, les fils de l’adoption et de la promesse[3] et, suivant l’apôtre, ils sont les héritiers du Christ[4]. C’est à eux que le Christ a déjà donné l’héritage qu’il avait promis, lorsqu’il disait par les prophètes : Du levant au couchant seront vos frontières et nul ne se dressera contre vous[5]. Qui pourrait contredire ces paroles ou s’y opposer ?

  1. Ps. 67, 31. La mère de Courbaram prononce un véritable sermon, qui est dû certainement à la même plume que le chapitre I.
  2. Ps. 78, 6.
  3. Rom., IX, 8 ; Gal., IV, 5.
  4. Rom., VIII, 17 : « Heredes quidem Dei, coheredes autem Christi. »
  5. Deuter., XI, 24-25 ; Josué, I, 4-5.