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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/221

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autre échelle, la dressèrent rapidement contre la muraille : beaucoup de chevaliers et de piétons y montèrent aussitôt et escaladèrent le mur. Mais les Sarrasins les attaquèrent avec une telle vigueur, sur le mur et sur le sol, en lançant des flèches et en pointant contre eux de tout près avec leurs lances, que beaucoup des nôtres, frappés de terreur, se jetèrent du haut du mur.

Pendant le temps que ces vaillants hommes, restés au faîte de la muraille, supportaient les attaques, ceux qui étaient sous le château sapèrent le mur de la ville[1]. Les Sarrasins, voyant que les nôtres avaient sapé leur muraille, furent saisis de terreur et s’enfuirent dans la cité. Tout ceci eut lieu le samedi, à l’heure de vêpres, au coucher du soleil, le 11 décembre. Bohémond fit dire par un interprète aux chefs sarrasins de se réfugier, eux, leurs femmes et leurs enfants, avec leur bagage, dans un palais situé au-dessus de la porte et s’engagea à les préserver de la mort[2].

Puis les nôtres pénétrèrent tous dans la ville, et tout ce qu’ils trouvèrent de quelque valeur dans les maisons ou les cachettes[3], chacun d’eux se l’appropriait. Le jour venu, partout où ils découvraient un ennemi, homme ou femme, ils le massacraient. Pas un coin de la cité qui fût vide de cadavres sarrasins, et à peine pouvait-on circuler dans les rues de la ville sans marcher sur ces cadavres. Bohémond saisit ceux à qui il avait donné l’ordre d’entrer dans un palais, leur enleva tout ce qu’ils possédaient, or, argent et autres parures, fit tuer les uns et conduire les autres à Antioche pour y être vendus[4].

Les Francs s’arrêtèrent dans cette ville pendant un mois

  1. Le château de bois ayant été approché des murailles, pendant que les chevaliers restés sur le mur tenaient les Sarrasins en haleine, les sapeurs, protégés par le château, ouvraient une brèche au bas de la muraille.
  2. L’Anonyme paraît avoir résumé les termes de la capitulation.
  3. On y a vu des citernes souterraines.
  4. Rien ne montre mieux que ce trait la cupidité qui règne parmi les chefs.