des fèves nouvelles et, au milieu d’avril, nous avions du blé[1]), les nôtres — je veux dire : le duc Godefroi, Raimond, comte de Saint-Gilles, Robert de Normandie, le comte de Flandre — tinrent un conseil et décidèrent qu’il y avait intérêt à accomplir le voyage de Jérusalem avec les fruits nouveaux[2].
[36.] Nous quittâmes donc cette place et atteignîmes Tripoli le vendredi, 13 mai, et nous y demeurâmes trois jours[3]. Le roi de Tripoli conclut enfin un accord avec les seigneurs et il leur livra immédiatement plus de trois cents pèlerins, qui étaient là en captivité ; il leur donna quinze mille besants et quinze destriers de grand prix ; il nous fournit aussi un abondant ravitaillement en chevaux, ânes et denrées de toute sorte, ce qui enrichit toute l’armée du Christ. Il stipula avec les chefs que, s’ils pouvaient gagner la guerre que leur préparait l’amiral de Babylone[4] et prendre Jérusalem, il se ferait chrétien et tiendrait d’eux sa terre. Ainsi fut-il fait et conclu.
Nous quittâmes la ville un lundi du mois de mai[5] et nous suivîmes toute la nuit une route étroite et escarpée. Nous parvînmes à un château appelé Béthelon[6], puis à une ville située près de la mer, qu’on nomme Zebar[7].
- ↑ Sur l’exactitude de ce renseignement (la culture du blé et des légumes occupe toujours la première place dans l’agronomie syrienne), voir l’étude de P. Huvelin, Que vaut la Syrie ? (Congrès français de Syrie, Marseille, 1919, fasc. 1, p. 15-18).
- ↑ Ce qui doit faciliter le ravitaillement.
- ↑ Il ressort de ce récit, confirmé par les autres sources, que les croisés ont levé le siège d’Archas sans avoir pu prendre la ville. Dans toute cette partie le récit de l’Anonyme est d’ailleurs manifestement incomplet. Il omet l’arrivée au camp d’une ambassade de l’empereur (Raimond d’Aguilers, 18, p. 286), la nouvelle vision de Pierre Barthélemy et l’épreuve du feu subie par lui devant Archas, enfin sa mort à la suite de ses blessures (Raimond d’Aguilers, 17, p. 280-288 ; Foucher de Chartres, I, 18, p. 344-345), l’arrivée à Archas d’une ambassade du calife d’Égypte qui offre que trois cents croisés aillent à Jérusalem sans armes (Raimond d’Aguilers, 16, p. 277).
- ↑ Le calife fatimite d’Égypte, dont les troupes occupaient Jérusalem, s’inquiétait des progrès des croisés.
- ↑ Tudebode (p. 101) précise : le lundi du milieu de mai, c’est-à-dire le 16 mai.
- ↑ Aujourd’hui Bâtroun, à vingt-cinq kilomètres au sud de Tripoli.
- ↑ D’après Tudebode, p. 101, Gibelon, l’ancienne Byblos, aujourd’hui Djebaïl.