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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/47

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HISTOIRE DES FRANCS
ET DES AUTRES PÈLERINS À JÉRUSALEM[1]


[PREMIER RÉCIT]
[Des origines à la bataille du Vardar
(fin 1095-février 1097)
]

[1.] Comme approchait déjà ce terme que le Seigneur Jésus annonce chaque jour à ses fidèles, spécialement dans l’Évangile, où il dit : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à soi-même et qu’il prenne sa croix et me suive[2], il se fit un grand mouvement par toutes les régions des Gaules[3], afin que quiconque, d’un cœur et d’un esprit purs, désirait suivre le Seigneur avec zèle et voulait porter fidèlement la croix après lui, ne tardât pas à prendre en toute hâte la route du Saint Sépulcre.

En effet, le chef apostolique du siège de Rome, Urbain II[4], gagna au plus vite les pays d’outre-mont[5] avec ses archevêques, évêques, abbés et prêtres[6] et commença à prononcer des discours et des sermons subtils, disant que quiconque

  1. Au moyen âge, on donnait souvent aux pèlerins le nom même du sanctuaire qu’ils étaient allés vénérer. L’auteur distingue des Francs les Allemands, Lombards et « Longobards » ou Normands de l’Italie méridionale.
  2. Math., 16, 24 ; Marc, 8, 34 ; Luc, 9, 23.
  3. Allusion au mouvement qui entraîna la France après le concile de Clermont (novembre 1095), que l’Anonyme ne mentionne même pas.
  4. Le pape Urbain II, élu en 1088.
  5. Cette expression « pays d’outre-mont », pour désigner la France, indique bien que l’Anonyme habitait l’Italie.
  6. Urbain II arriva à Valence le 5 août 1095, séjourna au Puy le 15 août et, après avoir parcouru la Bourgogne et le sud-est de la France, ouvrit le concile de Clermont le 18 novembre. Sur sa suite d’évêques et d’archevêques, voir Mansi, Concilia, t. XX, col. 308.