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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/57

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se précipitant sur eux, en tuèrent un grand nombre. Ils trouvèrent les uns en train de dormir, les autres tout nus et les massacrèrent tous. Un prêtre qui célébrait la messe reçut d’eux le martyre sur l’autel[1]. Ceux qui purent s’échapper s’enfuirent à Civitot. Quelques-uns se précipitaient dans la mer, d’autres se cachaient dans les forêts et dans les montagnes. Mais les Turcs les poursuivirent dans la place et entassèrent du bois pour les brûler avec la ville.

Mais les chrétiens qui occupaient la ville mirent le feu au tas de bois ; la flamme se diriges vers les Turcs et en brûla un certain nombre, tandis que Dieu préserva les nôtres de cet incendie. À la fin les Turcs les prirent vivants, les partagèrent, comme ils avaient fait des premiers, et les dispersèrent dans toutes les régions, les uns en Khorassan, les autres en Perse. Tous ces événements eurent lieu au mois d’octobre.

À la nouvelle que les Turcs avaient ainsi dispersé les nôtres, l’empereur témoigna une grande joie[2] et donna des ordres pour leur faire traverser le Bras[3]. Le passage terminé, il rassembla toutes leurs armes.

[3.] La deuxième division pénétra en Esclavonie[4] avec le comte de Saint-Gilles, Raimond et l’évêque du Puy[5].

La troisième division suivit l’antique route de Rome[6]. En firent partie : Bohémond[7] et Richard du Principat[8],

  1. Sur cette mort, voir une pièce de vers de Guibert de Nogent, II, 11, p. 146.
  2. En contradiction avec le récit d’Albert d’Aix (I, 22, p. 289), qui montre l’empereur s’efforçant de sauver les débris de l’armée.
  3. Sur ce passage, voir Albert d’Aix (loc. cit.) et Anne Comnène (X, 6, p. 78).
  4. Sous ce nom, on désignait le territoire des Croates et des Serbes.
  5. Raimond de Saint-Gilles, comte de Toulouse depuis 1088, et Adémar de Monteil, évêque du Puy vers 1080, désigné par Urbain comme son vicaire et son légat. Chacun d’eux commandait une armée importante recrutée dans le midi de la France. Leur itinéraire à travers les Alpes orientales et l’Esclavonie a été décrit en détail par Raimond d’Aguilers (ou d’Aguilhe), chanoine du Puy et chapelain du comte de Toulouse.
  6. Sur cette route traditionnelle de pèlerinage, voir J. Bédier, Les légendes épiques, t. II, p. 142 et suiv.
  7. C’est par simple symétrie que l’auteur mentionne ici Bohémond, dont le départ va être raconté plus loin.
  8. Fils d’un frère de Robert Guiscard, Guillaume, qui s’était établi dans la principauté de Salerne et avait pris le titre de « comte de la Principauté » (Gay, L’Italie méridionale et l’empire byzantin, p. 505).