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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/63

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un accord avec l’empereur[1] qui l’engagea à traverser le Bras de saint Georges[2] et l’autorisa à se ravitailler autant que les ressources de Constantinople le permettraient, ainsi qu’à recevoir une aumône qui assurât la subsistance des pauvres[3].

[4.] De son côté, Bohémond le Victorieux, qui se trouvait au siège d’Amalfi du Pont-Scaphard[4], apprenant la venue d’un peuple chrétien innombrable, composé de Francs, résolu à se rendre au sépulcre du Seigneur et, prêt à livrer bataille à la gent païenne[5], fit rechercher exactement de quelles armes ce peuple se servait au combat, quel emblème du Christ il portait en chemin, quel cri de ralliement il poussait dans les batailles. Il lui fut répondu dans le même ordre : « Ils ont des armes convenables à la guerre ; sur l’épaule ou entre les deux épaules ils portent la croix du Christ ; leur cri : Dieu le veut ! Dieu le veut ! est poussé par tous d’une seule voix. » Aussitôt, incité par l’Esprit-Saint, Bohémond ordonna de découper un précieux manteau qu’il portait et en fit distribuer les morceaux découpés en croix[6].

Alors la plus grande partie des chevaliers qui assiégeait la ville courut à lui impétueusement, si bien que le comte

  1. Récit détaillé de ces négociations dans Albert d’Aix et Anne Comnène (loc. cit.).
  2. Ce fut seulement après quelques jours, vers le 18 février, que l’empereur décida Godefroi à passer en Asie (Albert d’Aix, loc. cit.).
  3. D’après Albert d’Aix, l’empereur promit une subvention hebdomadaire jusqu’à la Pentecôte non seulement pour les pauvres, mais pour les chevaliers.
  4. Au début de 1096, Roger, duc de Fouille, et Bohémond assiégeaient Amalfi révoltée (Chalandon, Histoire de la domination normande en Italie, t. I, 1907, p. 302). Bohémond, fils de Robert Guiscard et de sa première femme, Aubrée, avait pris une part importante à l’expédition normande de 1081-1084 contre l’empire byzantin. En 1082, après la prise de Durazzo, il avait battu plusieurs armées impériales et envahi la Thessalie. — Sur l’expression de Pont-Scaphard appliquée à Amalfi, voir Tudebode, p. 15, et Robert le Moine, p. 740.
  5. Il s’agit des croisés de la France du nord et de l’ouest, venus en bandes séparées pour s’embarquer dans les ports de l’Italie méridionale.
  6. Notre auteur semble avoir été le témoin oculaire de la scène qu’il est le seul à raconter.