Aller au contenu

Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veillance, ordonna qu’ils s’en iraient impunis et sans rien craindre et qu’ils seraient amenés devant lui en toute loyauté à Constantinople. Il les ménageait soigneusement, afin de les avoir tout prêts pour dresser des embûches et des obstacles aux Francs[1].

Ce siège dura sept semaines et trois jours[2]. Beaucoup des nôtres y reçurent le martyre et, dans la joie et l’allégresse, rendirent à Dieu leurs âmes bienheureuses. Parmi les pauvres, beaucoup moururent de faim pour le nom du Christ. Montés triomphalement au ciel, ils revêtirent la robe du martyre[3] en disant d’une seule voix : « Venge, Seigneur, notre sang répandu pour toi, qui es béni et digne de louanges dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il[4] ! »


[TROISIÈME RÉCIT]
[La bataille des croisés en Asie mineure
(juin-juillet 1097)
]

[9.] Sur ces entrefaites, la ville ayant capitulé, les Turcs furent conduits à Constantinople, où l’empereur, de plus en plus charmé que cette ville eût été restituée à sa puissance, fit distribuer d’abondantes aumônes à nos pauvres[5].

  1. Tous les chroniqueurs expriment leur indignation de la conduite de l’empereur (Raimond d’Aguilers, 3, p. 239-240 ; Foucher de Chartres, I, 10, p. 333). En réalité, à cette date les chefs croisés n’étaient pas brouillés avec Alexis et paraissent avoir eu de tout autres sentiments. Anselme de Ribemont montre les Grecs et les Latins s’unissant pour louer Dieu. L’entrevue de Pelekanon entre Alexis et les croisés, que l’Anonyme ne mentionne pas, semble avoir été très cordiale (Anselme de Ribemont et Étienne de Blois, lettres, dans Epistulae et chartae, p. 140 et 145). Cf. Anne Comnène, XI, 3, p. 109.
  2. Du 6 mai au 26 juin 1097, soit cinquante et un jours.
  3. Cf. Apocalypse 6, 9 et 11 ; 7 ; 9.
  4. Cf. Apocalypse 6, 10.
  5. Foucher de Chartres (I, 10, p. 333) et Étienne de Blois (lettre, dans Epistulae et chartae, p. 143) parlent de magnifiques présents faits par l’empereur à tous les chevaliers et aux simples piétons.