Page:Histoire de l'Académie Royale des Sciences et des Belles Lettres (1746).djvu/458

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qu’un enfant sans raisonnement, & sans application, en a appris de sa nourrice ; de tells gens, loin de la conserver, seroient capables de l’alterer, en y admettant des expressions, ou des phrases etrangeres, tirées ou de leur langue maternelle, ou de ces langues savantes, dont le mélange ne peut que donner à la notre un air pédantesque, dont heureusement elle est preservée. Si l’on vous accorde ce que vous avanciez tout à l’heure, que nul ne peut connoître bien un païs, s’il n’y est né, etendez donc cette proposition jusqu’au langage, & convenez que personne ne le possedant mieux, que ceux qui l’ont pratiqué dés leur pureté, ni à le perfectionner. C’est sur ce dernier mot que j’arrête mes censeurs. Oui : je conviens, qu’il faut que les gens du païs veillent à la pureté de leur langage, j’accorderai même qu’ils sont seuls en etat de le faire ; mais suffit-il de le retenir dans les bornes où il est aujourd’hui ? Quelque poli quil soit, quelqu’abondant qu’il paroisse, peut-on ainsi lui fixer des limites ? Non : la langue s’appauvrit bientot, si on ne travaille sans cesse à son enrichissement : de nouvelles inventions demandent de nouveaux mots. Une idée neuve exige quelquefois une nouvelle tournure de phrases ; cette expression perfectionnée, en devenant plus eclairée & plus brillante, exige que celles qui la suivent, ou la precedent, le soient aussi. Il faut inventer alors, ou du moins puiser dans les tresors de ses voisins, & y trouver ce dont on a besoin. Mais connoissez vous bien toute la richesse de ces voisins, à qui vous avez recours ; c’est dans ce moment que je retourne contre mes contradicteurs les armes, dont ils viennent de se servir contre moi. Nul ne peut posseder parfaitement une langue, s’il n’est né au milieu de ceux qui la parlent purement, & s’il n’en a fait lui meme usage toute sa vie. Cette verité est ici d’autant plus appliquable, que ce n’est pas ordinairement par rapport aux expressions, & aux phrases les plus communes, que l’Academie se trouve dans le cas de travailler à reformer, ou à eten -