Page:Histoire de l'abbaye d'Hautecombe en Savoie.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 100 —

Quand les prélats et le clergé, les barons, les nobles et le reste du peuple virent l’obstination du comte à laisser ses pays sans maître futur, ils tinrent une réunion des trois États. « Et là fust ordonné que l’on allast vers leur signieur le conte, et que l’on ly remontrast bon gré mal gré son erreur ; sy furent par les troys estais escluz (élus) tant de leglise comme des noblez et du commung, ceuls qui yroyent, que furent assez en bon nombre, et se partirent de Chamberye et vindrent jusqu’au Bourget, et de là se mistrent sur le lac, et vogarent jusqu’au Haute Combe. Quant ils furent arrivez, le conte les fist venir et les receust moult doucement, et bien penssa la cause pour quoy ils venoyent, maiz semblant nen fist. Et fist apporter la colacion, et ne fist des montrance nulle quilz ly vaussissent (voulussent) aucune chose dire. Et quant les ambayxeurs (ambassadeurs) des trois estas virent quil ne leur disoit riens, le chief des ecclésiastiques » prit la parole pour lui demander audience. « Et le conte, qui biei panssoit ce que ils ly vouloyent dire, leur outtroya (octroya) à parler. Lors le chief de lembayxade dist ainsy :

« Très redoubte et nostre droitturier sigiieur, ne vous desplaise, nous sumes certains que plus de sentement et de cognoissance aves que remonstrer ne vous saurions, maiz ne vous desplaise : quel choses faittes vous ysy, et qui vous a mis ceste fantasie en teste, que ne vous mariez vous, mieulx vauldroit qu’il ne fust jamaiz religion, que ce que vostre terre desmeure sans hoir et sans successeurs. Ellas ! se vous naves lignee, qui nous gardera, qui nous deffandra, qui nous governera, qui nous regira ? A pays désole bien porra dire, que ce signieur sera cause de ta destruccion ! Ellas ! hautain signieur, ne vulliez estre cause de telle destruccion et