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Page:Histoire des philosophes modernes, Tome 1, 1773.djvu/13

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toutes les connoissances qu'on peut acquérir sans le secours des sens sur la Grandeur ou la Quantité ; et on donne le nom de Physique et d'Histoire naturelle à la science des choses que les sens peuvent nous faire connoître.

Pour réunir tout cela sous un seul point de vue, le Chancelier Bacon considère la Philosophie comme une grande piramide, qui a pour base l'Histoire naturelle ; au second étage, l'exposition des puissances et des principes qui opèrent dans la nature, c'est-à-dire la Physique et les Mathématiques ; au troisième, la Métaphysique ; et il met au sommet ce qui tient le premier rang dans la nature : Opus quod operatur Deus à principio ufque ad finem. Ainsi, selon ce savant Homme, la Métaphysique est la première partie de la Philosophie. Les Mathématiques et la Physique viennent ensuite ; et l'Histoire naturelle est la dernière partie. Cet arrangement est sans doute très-judicieux. En effet il est évident qu'on doit connoître l'eprit humain avant que d'en faire usage, et qu'il est impossible de découvrir les secrets de la nature, si l'on ignore quels sont les puissances et les principes qu'elle met en oeuvre.

Les Métaphysiciens doivent donc tenir le premier rang parmi les Philosophes. Suivent ces grands Génies, qui ont eu assez de sagacité pour appliquer toutes les facultés de l'esprit et toute l'activité des sens à l'étude de l'homme et de l'univers, et que j'appelle dans le systême figuré Restaurateurs des sciences. Les Mathématiciens ont le troisième rang. Les Physiciens sont au quatrième ; et les Naturalistes occupent le dernier.

Tel est l'ordre selon lequel on distribue les Philosophes, et qu'on est par conséquent obligé de suivre lorsqu'on veut écrire leur Histoire. Ce n'est pourtant pas celui qu'on adopté les Historiens des Hommes Illustres, ou de quelques Sciences particulières. Contens de se conformer à l'ordre chronologique, ils ont écrit siècle par siècle l'Histoire de tous les Savans sans distinction de genre, ou les parties des Sciences, quelques opposées qu'elles fussent. Cet arrangement paroît naturel, et on est porté à croire qu'on voit fort bien de cette manière le progrès des connoissances et la marche de l'esprit humain : mais cette apparence n'est qu'une illusion. Afin d'en juger, supposons qu'on écrive l'Histoire des Philosophes suivant cette méthode. Un Philosophe aura paru au commencement d'un siècle, et il aura écrit sur la Métaphysique. A celui-ci aura succédé un Physicien. Un Géomètre sera venu ensuite, etc. De sorte que dans un siècle cette succession aura été aisin croisée, selon l'aptitude propre