Page:Histoire du donjon de Loches par M. Edmond Gautier.djvu/178

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vêpres aux Feuillants, le marquis de Gèvres, capitaine des gardes en service ce jour-là, commanda qu’on fit sortir du cloître les archers du grand-prévôt, qui n’y devaient pas entrer. Les archers se mirent en défense. Il y eut un tumulte. Le cardinal Mazarin fut effrayé au point de changer de couleur, et sa crainte fut aperçue de tout le monde. Pour se venger, il destitua le marquis de Gèvres, et envoya chercher Chandenier pour le mettre à sa place. Les autres capitaines protestèrent contre cette injustice, Chandenier tout le premier. C’était, dit Saint-Simon, un homme haut, plein d’honneur, d’esprit et de courage. Il n’en fallait pas plus pour porter ombrage au Mazarin.

Il y avait aussi d’autres raisons, que le cardinal de Retz raconte dans ses mémoires. Chandenier était venu trouver un jour le coadjuteur et lui demander s’il était serviteur du roi. Sur sa réponse affirmative, Chandenier lui dit en l’embrassant : « Et moi aussi, je suis au roi comme vous, mais, comme vous aussi, contre le Mazarin ; pour la cabale, cela s’entend, car au poste où je suis, je ne voudrais pas lui faire du mal autrement. » Puis il ajouta qu’il n’était pas si mal avec la reine qu’on le pensait, et qu’il trouverait bien dans sa place des moments à donner de bonnes bottes au Sicilien.

Le « Sicilien » n’était pas homme auquel on pût cacher longtemps ces petites menées. L’affaire des Feuillants lui fournissait l’occasion de se venger, et de placer auprès du roi son propre capitaine des gardes. Il fit demander la démission de Chandenier, en lui offrant le prix de sa charge, qu’il donna au duc de Noailles. Chandenier refusa. Le cardinal fit consigner la somme, et prêter serment à Noailles en qualité de capitaine.

Chandenier était pauvre, et l’on espérait que la nécessité vaincrait sa résistance. Il n’en fut rien ; la cour lassée l’en-