Aller au contenu

Page:Histoire litteraire des femmes francoises tome 4.djvu/550

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LETTRE XXXIV.

LA Dame anonyme dont vous venez de lire De l’Amitié un ſi beau Diſcours, paſſe ſucceſſivement de la Chymie à la Phyſique, de la Phyſique à la Morale, de la Morale aux Ouvrages de fiction ; & de cetre variété naît l’agréable & l’utile, l’inſtruction & l’amuſement.

Le Traité de l’Amitié réunit ce double avantage. » Si j’avois à traiter des paſſions, dit Madame D’*** je prendrois ce ton d’enthouſiaſme qui les caractériſe ; je les peindrois avec des traits de ſeu ; & je mettrois tout en uſage, pour porter dans les cours, par la chaleur de mes tableaux, cette émotion vive, & ce trouble enchanteur, qui en ſont tout le charme & tout le danger. Tantôt emportée par la fureur, & tantôt par la volupté, je parcourrois, d’un vol rapide, les divers égaremens où elles nous entraînent : échauſſée moi-même par ces brûlantes images, je ſerois aux hommes la peinture ſidelle de cette eſſerveſcence que les paſſions excitent en eux ; mais le pinceau de l’amitié doit être ſimple comme elle ſon coloris, moins éclatant, mais plus durable que celui des paſſions, n’eſt ſait pour plaire, qu’à des ames épurées de leur ſeu ſéditieux ; qu’à ces ames ſenſibles & délicates, qui n’étant point blaſées par les ſentimens tumultueux de l’amour ou de l’ambition, ſentent ces touches légeres, mais ineſſaçables, qui ne ſont ſaites que pour elles, & dont elles ſeu-