Page:Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v9.djvu/193

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ſans le ſavoir, à des maîtres éloignés, qui leur préparent des conditions d’autant plus dures, que la faim & la néceſſité ne permettent pas à ceux qui les acceptent de s’y refuſer. L’Amérique forme des recrues pour la culture, comme les princes pour la guerre, avec les mêmes artifices, mais un but moins honnête & peut-être plus inhumain : car qui fait le rapport de ceux qui meurent & de ceux qui ſurvivent à leurs eſpérances ! L’illuſion ſe perpétue en Europe, par l’attention qu’on a de ſupprimer les lettres qui pourroient dévoiler un myſtère d’impoſture & d’iniquité, trop bien couvert par l’intérêt qui en eſt l’inventeur.

Mais enfin on ne trouveroit point tant de dupes, s’il y avoit moins de victimes. C’eſt l’oppreſſion des gouvernemens qui fait adopter ces chimères de fortune à la crédulité du peuple. Des hommes malheureux dans leur patrie, errans ou foulés chez eux, n’ayant rien de pire à craindre ſous un ciel étranger, ſe livrent aisément à la perſpective d’un meilleur ſort. Les moyens qu’on emploie pour les retenir dans le pays où la fatalité les a fait naître, ne ſont propres