Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/67

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enir. Et je n’estime pas que la fuite seule soit un effet de la crainte : mais aussi le soupçon, la défiance, la précaution, et même je trouve qu’il y a de la peur en tout ce dont on se prémunit et se fortifie contre la crainte. Quand on va se coucher, on ferme les portes ; quand on voyage, on prend une épée, à cause qu’on craint les voleurs. Les républiques met­tent des garnisons sur leurs frontières ; les villes ont accoutumé de se fermer de fortes murailles contre leurs voisins. Les plus puissantes armées, et prêtes à combattre, traitent quelquefois de la paix par une crainte réciproque qui arrête leur furie. Les hommes se cachent dans les ténèbres, ou s’enfuient de crainte, quand ils n’ont pas d’autre moyen de pourvoir à leur sûreté ; le plus souvent ils prennent des armes défensives. De sorte que selon l’équipage auquel on les rencontre, on peut juger de l’état de leur âme, et quelle place y occupe cette lâche passion. En un moi, soit qu’on en vienne aux mains, ou que d’un commun accord on quitte les armes, la victoire ou le consentement des parties forment la société civile, et je trouve en l’un et en l’autre qu’il y a quelque mélange de cette crainte réciproque. »


III. La cause de la crainte mutuelle dépend en partie de l’égalité naturelle de tous les hommes, en partie de la réciproque volonté qu’ils ont de nuire. Ce qui fait que ni nous ne pouvons attendre des autres, ni nous procurer à nous-mêmes quelque sûreté. Car si nous considérons des