Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/80

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de juger des mœurs, de l’érudition, et de la sagesse de toutes les nations de la terre. Quelque autre dira en sa preuve, que c’est qu’une telle action a été faite contre le consentement de tout le genre humain. Mais cette définition n’est pas recevable ; car il s’ensuivrait que personne ne pourrait pécher contre cette loi, hormis les fous et les enfants ; d’autant que, par ce mot de genre humain, on doit entendre tous ceux qui se servent de leur raison. Or ces derniers, ou ils suivent leur raison, ou s’ils s’en écartent, ce n’est pas volontairement qu’ils faillent, et par ainsi ils sont à excuser : mais ce serait une injuste manière de procéder, que d’apprendre les lois de nature du consentement de ceux qui les enfreignent plus souvent qu’ils ne les observent. D’ailleurs les hommes condamnent bien souvent, en autrui, ce qu’ils approu­vent en eux-mêmes ; au contraire, ils louent en public, ce qu’ils méprisent en leur particulier, et donnent leur avis selon la coutume qu’ils ont prise, plutôt que selon les raisonnements qu’ils ont formés sur quelque matière ; enfin le consentement, qu’ils prêtent à une chose, procède de haine, de crainte, d’espérance, d’amour, ou de quelque autre perturbation de l’âme, plutôt que d’un raisonnement ferme et éclairé. Voilà pourquoi il arrive assez souvent que des peuples entiers, d’un consentement unanime, et avec une persévérance inébran­lable,