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que l’on conçoit soit la même, cependant la diversité [des modes] de réception en rapport avec les différentes constitutions corporelles des individus et les[1] préjugés de l’opinion donne à chaque chose une teinte de nos différentes passions[2]. C’est pourquoi, on doit[3], quand on raisonne, se méfier des mots qui, outre la signification se rapportant à la nature de la chose imaginée, ont aussi une signification se rattachant à la nature, à la disposition et à l’intérêt de celui qui parle[4] ; tels sont les noms des Vertus et des Vices[5]. Ce que l’un appelle Sagesse[6], l’autre l’appelle crainte ; ce que l’un appelle cruauté, l’autre l’appelle justice ; ce que l’un appelle prodigalité, l’autre l’appelle magnanimité ; ce que l’un appelle gravité, l’autre l’appelle sottise[7], etc. De tels noms ne peuvent donc jamais être les bases véritables d’un raisonnement quelconque, et il en est de même des Métaphores et des Figures de rhétorique ; mais celles-ci sont beaucoup moins dangereuses, parce qu’elles accusent [nettement] leur inconstance [, ce que les autres mots ne font pas].

  1. Le latin dit : « … de réception qui provient de la diversité des natures individuelles et des… ».
  2. Le latin dit : « fait que chacun impose aux choses des noms qui ont en quelque sorte la teinte de leur façon particulière de ressentir ».
  3. Le latin ajoute : « toujours ».
  4. Le latin dit : « … quand on raisonne, soigneusement se garder d’ajouter à la signification de la chose elle-même quelque chose qui tienne de la nature, de la tournure d’esprit et des affections de celui qui parle ».
  5. Le latin dit : « les noms de cette catégorie sont surtout ceux des vertus et des vices ».
  6. « Wisdome » en anglais ; « Prudentia » en latin.
  7. « Stupidity » en anglais ; « Stupor » en latin.