Page:Hobbes - Léviathan - Tome I.djvu/106

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soit ne fait la certitude, non plus qu’un compte n’est juste du fait qu’il a l’approbation unanime d’un grand nombre. De même donc que, lorsqu’il y a discussion au sujet d’un compte[1], les parties doivent volontairement [et d’un commun accord] accepter comme droite Raison la Raison d’un Arbitre ou d’un Juge à la sentence duquel l’une et l’autre s’en tiendront, faute de quoi leur discussion ou en viendrait aux coups ou resterait indécidée, puisqu’il n’y a pas de droite Raison constituée par la Nature, de même en est-il ainsi dans les débats de tout genre. Et quand ceux[2] qui se croient plus sages que tout le monde appellent à grands cris et réclament comme juge la droite Raison, ce qu’ils veulent en somme, c’est que leur procès ne soit tranché par d’autre raison [humaine] que la leur ; et, cela est aussi intolérable dans la société humaine que, dans le jeu de cartes, [lorsque l’atout est tourné, ] de se servir[3] en guise d’atout [et en chaque occasion] de la couleur dont on a le plus [dans les mains]. Ces gens-là veulent seulement en effet que, dans leurs propres litiges, on prenne comme droite Raison les passions qui les dominent : en proclamant ainsi que la droite Raison est pour eux, ils prouvent leur manque de droite Raison[4].

  1. le latin dit : « au sujet d’un compte ou d’un calcul (in computatione sive Ratiocinatione) ». L’anglais porte simplement « in an account ».
  2. Le latin dit : « des arrogants ».
  3. Le latin dit : « de vouloir se servir ».
  4. Le latin dit : « Que font en effet ceux qui, même dans leurs propres procès, s’efforcent de faire prendre pour droite Raison les passions qui les dominent si ce n’est montrer par cette prétention même leur manque de droite Raison ».