Page:Hoche, Le faiseur d'hommes et sa formule, Librairie Félux Juven, 1906.djvu/23

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flexions à ma femme qui, allongée au fond du canot, sur un lit improvisé avec des hardes et une couverture de voyage, tombait déjà dans cette demi-inconscience qui précède le sommeil. Seul face à face avec moi-même je me rendis compte enfin qu’il n’y avait pas, dans cette maudite aventure, la centième partie de la gaîté que nous nous efforcions d’y mettre, et une lassitude découragée, hargneuse, exaspérée, s’abattit sur moi, à quoi dormir eût été cent fois préférable. Pourquoi n’étais-je pas couché à cette heure dans la fraîcheur et le calme absolu de mon petit entresol de l’avenue Marceau ? Quand et comment réintégrerai-je les milieux qui m’étaient chers, le harnais familier si bien adapté à mes petites manies de quadragénaire ? Et pour la première fois, j’éprouvai un sentiment de haine contre celle qui était la cause indirecte de cette odieuse bifurcation de ma destinée.

J’ai toujours eu le sommeil si abominablement léger qu’à Paris un grignotement de souris me parvenait à travers trois étages et me dressait sur mon séant. J’étais donc sûr de faire une nuit blanche, quand même la fatigue et l’ennui m’inciteraient à m’assoupir. Des insectes, des mouches, des papillons, se rôtissaient les ailes