Page:Hoche, Le faiseur d'hommes et sa formule, Librairie Félux Juven, 1906.djvu/28

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térieux personnage tenait à la main un objet parfaitement assimilable à un volume, et une douce hilarité m’envahit à la pensée que ce quidam plus ou moins sauvage croyait écrémer les fatalités inouïes qui nous jetaient dans cette île tropicale en nous chipant un livre terriblement soporifique et dont un bouquiniste parisien n’eût pas donné cinquante centimes. La suite va vous prouver une fois de plus combien inconsidérés nous sommes dans les jugements que nous portons sur les gestes dont le sens nous échappe, comme si la vie n’offrait pas des hasards et des diversités tels qu’un livre, si dénué de valeur fût-il pour le reste de l’humanité, puisse devenir entre les mains de l’être prédestiné un inestimable trésor.

— Pourquoi riez-vous ? questionna ma femme que mes allées et venues avaient fini par réveiller.

— Parce que je suis gai. Et je suis gai parce que j’ai le ferme espoir que bientôt nous allons être tirés d’embarras. Tandis que vous dormiez j’ai fait une ronde par là et j’ai découvert une piste, des empreintes de pas toutes fraîches… des empreintes européennes…

— Je ne vous connaissais pas ce talent…

Moi non plus. Vous sentez que c’était une