Page:Hoche, Le faiseur d'hommes et sa formule, Librairie Félux Juven, 1906.djvu/79

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nent deux files ininterrompues d’êtres en baudruche, difformes, céphalopodes, quelques-uns mêmes acéphales ou cornus. Ceux de la file descendante portent qui des ballots, qui des couffins dont ils se désintéressent sitôt qu’ils les ont posés à terre pour se joindre à la file montante, désinvolte et capricante, tous donnant par là l’illusion non d’une corvée accomplie mais d’un rite célébré dans une populaire cérémonie consacrée au dieu du libre échange et de la mutualité.

— Des esclaves qui prennent les choses du bon côté, raillait ma femme.

Et je songeais à part moi, qu’à leur insu sans doute, et par le seul effet d’un instinct vieux comme le monde, ces monstres demi-humains illustraient par l’exemple la maxime biologique en vertu de laquelle le travail est l’exercice d’une fonction naturelle. Et c’étaient des monstres quand même, pis que cela, des êtres isolés dans la création, ne pouvant se prévaloir d’aucune ancestralité, n’ayant rien à attendre, rien à espérer ni de l’évolution ni de la sélection naturelle, (vous allez voir que je me trompais sur ce dernier point, et que leur avenir biologique était au contraire assuré.) Sans doute n’avaient-ils qu’un cerveau et une conscience