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819 ALEXANDRE (Princes anciens, MACÉDOINE) 820
la victoire, et sans lesquels elle n’est pas longtemps constante. Les Égyptiens, condamnés à subir un joug étranger, reconnurent sans peine Alexandre pour leur nouveau maître. Quoique ce prince né changeât rien à leurs usages, il craignit cependant de les laisser sous l’autorité d’un seul chef ; il en établit plusieurs pour les gouverner (1)[1].

Cependant Darius rassembla des troupes innombrables ; toutes les parties de son vaste empire contribuèrent à former cette armée, destinée à s’opposer aux entreprises de son ennemi, qui, après avoir quitté l’Egypte, s’avança vers l’Euphrate, et le passa à Thapsaque. Pline et Dion-Cassius rapportent qu’Alexandre traversa ce fleuve près de Zeugma, sur un pont soutenu par des chaînes de fer. Ces écrivains ont sans doute été induits en erreur par l’étymologie du nom de ce lieu ; l’itinéraire de l’armée macédonienne, depuis Tyr jusqu’à Arbèles, suffit pour démontrer la fausseté de leur récit. Mazée, envoyé par Darius pour défendre le passage de l’Euphrate, abandonna son poste, et se retira en dévastant le pays, qui aurait pu fournir des vivres aux troupes macédoniennes. Quatre jours après le passage de l’Euphrate et du Tigre, Alexandre découvrit un corps de cavalerie ; il se mit à sa poursuite et fit plusieurs prisonniers, qui lui apprirent que Darius était campé dans une grande plaine, sur la rivière de Boumade, près de Gaugamèle. Quatre jours de repos délassèrent de leurs fatigues les soldats macédoniens, qui se remirent en marche, et arrivèrent dans un lieu qui n’était éloigné que de soixante stades du camp des Perses. Ces détails, que nous fournit Arrien, sont très-propres à démontrer l’inexactitude de ceux de Diodore. La plupart des historiens s’accordent à faire monter l’armée de Darius à plus d’un million d’hommes, calcul qui n’est pas hors de vraisemblance ; car presque toutes les nations, depuis le Pont-Euxin jusqu’aux extrémités de l’Orient, avaient envoyé de puissants secours à Darius. Quelque vaste que fût la plaine d’Arbèles, elle ne suffit pas pour contenir de front toute l’infanterie de l’armée de Darius. Celui-ci fut obligé de mettre derrière son corps de bataille des troupes entières de plusieurs nations, ce qui ne fit qu’y augmenter la confusion. Alexandre n’avait, selon Arrien, qu’une armée de quarante mille hommes d’infanterie et sept mille de cavalerie à opposer à toute cette multitude (2)[2]. Les dispositions d’Alexandre parurent d’abord n’avoir pour but que de se mettre sur la défensive ; mais elles tendaient réellement à faciliter les mouvements et le choc de sa phalange et de ses escadrons d’élite, dont il espérait tout le succès de cette journée. Il s’approcha ensuite des hauteurs et de l’aile gauche de l’armée ennemie, contre laquelle il voulait diriger ses premiers efforts. Pour l’en empêcher,

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Darius ordonna aux Scythes et aux Bactriens de tourner les Macédoniens. Le combat s’engagea entre eux avec vivacité ; et ce ne fut qu’en les repoussant insensiblement et gagnant pied à pied le terrain, que les Macédoniens parvinrent à défaire ces deux corps de cavalerie. Les escadrons perses qui étaient mêlés avec l’infanterie, étant brusquement sortis de la ligne pour voler à leur secours, laissèrent un grand vide, dont Alexandre profita en les attaquant de front et par le flanc : ils furent mis en déroute, et la confusion se répandit aussitôt dans leurs rangs. Alors tout fut culbuté ou prit la fuite ; et Darius, se laissant lui-même entraîner, tourna honteusement le dos. Au centre, les Grecs mercenaires tenaient encore ferme ; une partie de la droite s’ébranlait pour attaquer Parménion, et la cavalerie arménienne poussait avec vigueur celle des Thessaliens. Les peltastes prirent en flanc les mercenaires, et la phalange, débarrassée de la multitude qui obstruait le terrain, allait rompre la ligne entière de l’armée perse ; lorsqu’un événement singulier parut un moment changer la face du combat. Alexandre s’étant jeté sur le derrière des ennemis, et la nouvelle de la déroute de leur gauche y étant arrivée, la consternation devint générale : les Perses, voyant alors que leur retraite était coupée, cherchèrent à se sauver à travers la phalange, qui s’ouvrit et les laissa passer. Ils se portèrent sur le derrière de l’aile gauche, commandée par Parménion, qui avait déjà sur les bras la cavalerie arménienne et une partie de l’infanterie ennemie. Le danger était pour lui imminent, et il n’aurait pu y échapper si les Perses ne se fussent amusés à piller le camp macédonien. A l’instant Parménion détacha quelques troupes de sa seconde ligne qui dissipèrent les pillards, et fit avancer un nouveau corps contre la cavalerie arménienne, qui fut obligée de s’enfuir. Dès lors la victoire ne fut plus incertaine, et se déclara pour Alexandre. Ce prince ayant appris la position fâcheuse où Parménion venait de se trouver, était accouru pour le dégager ; mais il ne rencontra sur son chemin qu’une masse prodigieuse de cavalerie et d’infanterie, qui ne pensait qu’à se dérober à la poursuite des Macédoniens et des Thessaliens. Dans ce moment, la crainte et le désespoir d’être coupés dans leur retraite agissant à la fois sur eux, ils assaillent à l’improviste et avec impétuosité Alexandre, qui perdit dans cette rencontre une soixantaine des siens, et se vit forcé à donner issue à ce torrent d’hommes (1)[3]. Ainsi se termina une des plus mémorables batailles dont l’histoire nous ait conservé le souvenir. Les seuls détails exacts qu’on en puisses lire se trouvent dans Arrien, qui les a tirés des mémoires de Ptolémée et d’Aristobule.

Après la bataille d’Arbèles, Alexandre s’empressa de récompenser ses officiers et de com-

  1. (1) Quinte-Curce, IV.
  2. (2) Arrien, III, 12.
  3. (1) Arrien, III, 13.