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GUILLAUME


vèrent au sujet de la pluralité des bénéfices , et personne ne poursuivit cet abus avec plus de constance et de vigueur. Il soutenait qu’on ne pouvait sans péché mortel posséder deux bénéiices dès que l’un d’eux rapportait quinze livres (le Paris. Quand l’autorité des papes et plus tard celle des rois prévalurent dans l’Église gallicane, le relâchement des mœurs y fit de si grands progrès, que tout clerc de qualité réunit alors en sa main le titre et les fruits d’au moins huit ou dix bénéfices. La corruption atteignit alors sa limite extrême. Tous les historiens félicitent Guillaume d’atoir prévu les funestes conséquences des premières concessions faites à l’esprit mondain. C’était un ferme censeur de tous les écarts. Une autre preuve de cette fermeté est la sen-I tence qu’il fit publier en 1243 contre quelques propositions téméraires. On trouvera le détail de ces propositions dans la Bibliothèque des Pères, t. XXV, et dans plusieurs éditions des Sentences de Pierre Lombard. Nous rie les reproduirons pas ici , parce qu’il serait long de les expliquer, et plus long de motiver la sentence même qui les a condamnées. Disons simplement que Guillaume se montra dans cette affaire moins homme (le parti que pasteur prudent. Très-fervent réaliste, comtne ses écrits nous le font connaître, il censura le même jour et ceux de ses adversaires et ceux de ses adhérents dont le langage lui parut suspect d’hérésie.

En février 1244, il baptisa le fils aîné de Louis IX. En 1245 nous le trouvons à Cluny, présent à l’entrevue de Louis IX et d’Innocent IV, et travaillant à dissuader le roi d’entreprendre une nouvelle croisade. C’était son plus sage conseiller, et le pape n’avait pas en lui moins de confiance. On le vit bien en 1247, quand il fut désigné par le saint-siége comme un des juges de Gilles , archevêque de Sens. Après sa mort , dont nous avons plus haut marqué la date, les victorins reclamèrent ses dépouilles, pour les ensevelir dans leur église. Son prédécesseur et son successeur furent déposés sous les dalles de Notre-Dame. Pourquoi les obsèques de Guillaume étaient- elles célébrées à Saint-Victor.» Cette circonstance pourrait faire supposer qu’il était sorti de cette illustre école, supposition que ses écrits ne démentent pas. Guillaume est un (héologien de la secte des mystiques, et l’on sait que dès le douzième siècle le cloître de Saint-Victor fut leur séminaire, ou plutôt leur académie. Il y a plusieurs éditions des Œuvres de Guillaume d’Auvergne. La dernière et la pins complète a été publiée en 1674, à Orléans , par les soins du chanoine Biaise Leféron , en denx volumes in-fol. Ces deux volumes renferment un cjrand nombre de traités séparés, qui pour la plupart sont peu considérables. On i-egrette de n’y pas trouver en outre divers antres opusnç % transcrits sur le vélin, ou même imprimés séparément sous le nom de Guillaume. d’Auvoi-f ^ne Ce[)endant l’authenticité des attributions est loin d’être prouvée : il parait même certain que plusieurs ouvrages insérés dans l’édition de Leféron sont de Guillaume Pérauit, ou de quelques autres docteurs portant le même surnom. On sait combien le.’, erreurs de ce genre sont fréquentes dans les manuscrits. M. Daunou, à qui nous devons la notice de Guillaume d’Auvergne dans Y Histoire littéraire, n’aurait peut-être pas dû négliger l’examen de cette question , car elle est fort intéressante ; et que recherchet-on d’abord dans V Histoire littéraire, après la biographie des écrivains , si ce n’est la distinction de leurs oeuvres sincères et de leurs œuvres supposées? Quoi qu’il en soit, le plus authentique, le plus considérable et le plus important des ouvrages de Guillaume est son traité Du Tout {Dejhiiverso). C’est là qu’on trouve, avec d’abondants détails, une exposition complète de sa doctrine. Entre les deux partis qui se disputent l’école de Paris, il est réaliste, il réalise dans le monde des choses des abstractions intellectuelles : c’est , il est vrai , le procédé commun des théologiens. Mais Guillaume raisonne en philosophie comme en théologie. Après avoir disserté sans le moindre trouble sur l’entité des substances transphysiques, comme Dieu, les anges , les démons et les âmes séparées , il prétend démontrer de la même manière que les espèces , les genres subsistent au sein de la nature absolument comme l’esprit les conçoit elles nomme. L’ontologie et l’idéologie sont, dans ce système , une même science. Guillaume l’accorde volontiers, et cette concession ne le gêne guère. Est-ce toutefois un simple sectaire, qui s’engage témérairement en des voies inconnues , à la suite de quelque maître renommé.!» Il fut, il est vrai , le contemporain d’Alexandre de Haies , et il y a beaucoup de rapports entre leurs opinions ; mais il y en a moins entre leurs méthodes. Alexandre méprisait l’antiquité : Guillaume a lu tous les écrits d’Aristote traduits par les Juifs et les Arabes et transmis par eux à la chrétienté latine. Ç^ un érudit , presque un^ libre penseur. S’il interprète si mal Aristote, c& n’est pas sa faute, puisqu’il n’a dans les mains qu’un Aristote falsifié. B. Hauréau. Gallia Christ., t. VU, col. 9*. — Hist. littér. de la France, t. XVIII, p. 357. —Jourdain, Recherches critiques. — B. Haurciad, De lu Philosophie seolastique, t. I, p. 432 -’tSe. — A. Javary, Guillelmini Arvenn Psychologica Doctrina (1850).

  • GUILLAUME de Rennes, frère prêcheur,

qui vivait vers 1250, est auteur d’une Glose de la Somme de Raymond de Penafort , De Pœnitentia et Matrimonio, glose dont l’importance nous a été révélée par le savant Daunou. Guillaume y touche plusieurs points du droit coutumier français, peu connu de Raymond, notamment en ce qui concerne l’usure, la légitimité des onf;mts, la faute grave des clercs qui assistent par curiosité à un supplice ou à un duel judiciaire, etc. Cette glose est insérée dans le Spéculum doctrinale, ou Miroir scienti-