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hiUard est-il tué ou pris ?) » On lui répondit qu’on

ivuit perdu ses traces. « Alors dit le prince, non

mj rcs fait (11 n’y a rien de fait). « Pierre par ,a détestable conduite hûta l’accomplissement de ii’ttc prophétie. Dès le jour même de Navarette il irrita son clievaleresque auxiliaire en faisant I mettre à mort plusieurs de ses prisonniers ; il le I mécontenta bientôt non moins gravement en ne lui payant pas le subside convenu, et en ne lui livrant pas les ports de la Biscaye. Au bout de quolques mois le prince de Galles, dégoûté d’un illic, qui ne voulait ni ne pouvait tenir ses en- 1 :4agements, et qui au lieu de ramener ses sujets [jar la douceur les exaspérait par de nouvelles [Cruautés, voyant de plus son armée presque détruite par les maladies, repassa les Pyré-

! nées , laissant le roi de Castille à sa mauvaise 

fortune. Pierre semblait ne voir dans sa j restauration que le moyen de satisfaire sa vengeance. A Burgos, il ordonna l’exécution d’un des

! principaux chevaliers et d’un des plus riches 

bourgeois, comme s’il eût voulu frapper toutes les classes. A Cordoue il arrêta lui-même un gentilhomme, et le livra au bourreau ; à Séville, il fit brûler vive cjona Urraca de Osorio, dont le seul crime était d’être la mère de don Alfonse de Guzman, qui avait refusé de suivre le roi en exil. Ces horreurs ne raffermissaient pas son pouvoir. Partout où il n’était pas de sa personne son autorité était faiblement reconnue ou rejetée ouvertement. Des insurrections éclatèrent en Andalousie et en Estramadure, à Cordoue, àSégovie, à Valladolid , et vers la lin de l’automne de 1367 Henri, traversant laNavarre avec quatre cents lances, remit le pied sur le sol de Castille. Calahorra, Burgos, Léon et Madrid lui ouvrirent leurs portes ; il ne trouva de résistance que ’devant Tolède, qui soutint un long siège. Tandis que Henri était arrêté sous les murs de cette place, Pierre invoquait contre Cordoue rebelle l’appui des Maures de Grenade, qui se levèrent en masse pour reprendre leur ancienne capitale (juin 1368). Le fanatisme guerrier des mahométans échoua contre la résistance désespérée des chrétiens, et Pierre, furieux, leva le siège, livrant l’Andalousie aux dévastations des Arabes, qui emmenèrent en esclavage une partie de la population. Cette ligue du roi de Castille avec les infidèles acheva de ruiner sa cause ; il ne lui restait plus qu’une ressource , c’était d’aller Hvrer bataille à Henri, dont la petite armée avait beaucoup souffert devant Tolède, sans pouvoir s’en emparer. Tandis qu’il prenait tardivement ce parti, Du Guesclin, dont la rançon avait été payée par le roi de France, amenait à Henri un précieux renfort de six cents hommes d’armes (janvier 1369). La marche de Pierre fut lente ; il n’arriva à Calatrava, aune vingtaine de lieues de Tolède, que dans les premiers jours de mars. Henri, enhardi par la présence de Du Guesclin, courut à sa rencontre. Pierre, surpris devant : ^Iontiel le 14 mars, vit ses troupes se disper-DE Castille) l7-f

ser presque sans coiïibat, et n’eut (jue le temps de se jeter avec quelques gentilshommes dans le château de Montiel, mal fortifié et dépourvu de vivres. Il n’avait aucun espoir d’échaj)per par force aux assiégeants ; il essaya de la séducliou. Un de ses fidèles serviteurs, Men Rodrigue/ de Senabria, s’aboucha secrètement avec Du Guesclin, et lui offrit de la part du roi, s’il consentait à le conduire en lieu sûr, six villes , 200,000 doubles castillannes d’or, et les premières dignités du royaume. Du Guesclin ne fut pas ébranlé,, mais il eut le tort de croire qu’une tentative de corruption justifiait de sa part un acte de duplicité. Il renvoya Men Rodriguez sans refuser formellement, et fit part à Henri des proposi lions qui lui étaient faites. Tout est obscur dans les transactions qui suivirent, et que sans doute Henri conduisit sous main. Il est certain seulement que Pierre fut amené à croire qu’il pouvait compter sur Du. Guesclin, et que l’on se servit de cette persuasion pour l’attirer dans un piège mortel. Dans la nuit du 23 mars, Pierre, avec quelques chevaliers fidèles, sortit du fort de Montiel, et se rendit au quartier des aventuiiers français. A l’entrée il trouva Du Guesclin entouré de ses hommes d’armes. « A cheval ! messire Bertrand, lui dit le roi à voix basse en l’abordant, il est temps de partir. » Sans lui répondre, les Français l’entourèrent, puis ils le firent entrer dans une tente voisine. La scène qui suivit est une des plus tragiques de l’histoire ; nous en empruntons le récit à M. Mérimée , qui la raconte d’après Ayala et Froissart. Quelques minutes se passèrent dans un mortel silence. Tout à coup, au milieu du cercle formé autour du roi, paraît un homme armé de toutes pièces , la visière haute : c’était don Henri. On lui fait place avec respect. Il se trouve face à face devant son frère. 11 y avait quinze ans qu’ils ne s’étaient vus. Don Henri, promenant ses regards sur les chevaliers sortis de Montiel : « Où donc est ce bâtard , dit-il, ce juif qui se prétend roi de Castille. ? » Un écuyer français lui montre don Pèdre. « Voilà votre ennemi, » dit-il. Don Henri, encore incertain, le regardait fixement. « Oui, c’est moi, s’écrie don Pèdre, moi, le roi de Castille. Tout le monde sait que je suis le fils légitime du bon roi don Alfonse. Le bâtard , c’est toi 1 » Aussitôt don Henri, joyeux de l’insulte qu’il avait provoquée, tire sa dague et le frappe légèrement au visage. Les deux frères élaicnt trop près l’un de l’autre dans le cercle étroit que formaient les aventuriers, pour tirer leurs longues épées. Ils se saisissent à bras le corps, et luttent quelque temps avec fureur sans que personne essaye de les séparer. On s’écartait même devant eux. Sans se lâcher, ils tombent l’un et l’autre sur un lit de camp, dans le coin de la tente ; mais don Pèdre, plus grand et plus vigoureux, tenait son frère sous lui. Il cherchait une arme pour le percer, lorsque un chevalier