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755 TABARI — TABARIN 756


pourquoi on lui donne le titre de moudj-tehed. Son principal élève fut Aboul’faradj Moasi, connu sous le nom d’Ebn-Allarrez. De ses nombreux ouvrages de droit, d’histoire et d’exégèse, nous rappellerons un grand ouvrage juridique, el-Basith, qu’il n’acheva cependant pas, mais dont on a conservé plusieurs traités ; un excellent Commentaire du Koran, recommandé par Aboul-feda, et une grande Chronique arabe, qui s’étend jusqu’en 914. Cette Chronique, dont l’auteur a fait lui-même un abrégé, et qui a eu plusieurs continuateurs, a été traduite en persan par le visir Abou-Ali-Abdul-Ghani. La partie de l’abrégé qui commence à la mort de Mahomet a vu le jour par les soins de Th. Erpenius, Leyde, 1625, in-fol., avec l’Historia Arabum de Roderic de Tolède. Il existe une traduction latine de la Chronique de Tabari, par G. Kosëgarten (Taberistanensis ; Greifswald, 1831-53, t. I à III, in-4o), une traduction française (Paris, 1836, in-4o), faite par M. Dubeux sur une version persane, mais qui n’a point été achevée, et une traduction turque (Constantinople, 1844, 5 part, in-fol.), dont Quatremère a rendu compte dans le Journal des savants (1845, p. 513 et suiv.). Tabari est considéré comme un historien véridique, et qui a fait pour son livre une étude scrupuleuse des sources les plus authentiques.

Hammer-Purgstall, Literaturgeschichte der Araber.

TABARIN (N…), célèbre farceur, né en Lorraine ([1]), mort, à ce qu’on croit, vers 1633. Sa vie est complètement inconnue jusqu’au moment (1618) où on le trouve associé ([2]) à l’opérateur Mondor (voy. ce nom), qui avait son théâtre en plein air sur la place Dauphine. Dans le dialogue, c’était lui qui se chargeait de la partie burlesque, en engageant avec son maître une de ces conversations farcies de quolibets et de coq-à l’âne, dont la tradition s’est fidèlement perpétuée jusqu’aux pitres de nos jours, et que Mondor rendait plus plaisante encore par le constraste de sa gravité doctorale. Le sujet de ces dialogues ne varie guère plus que le plan. L’esprit de Tabarin a tout juste la délicatesse et l’atticisme de celui des autres farceurs du temps, de Gaultier Garguille et de Bruscambille  : il patauge à cœur joie dans les ordures de tous genres, et les trois quarts de ses parades, telles qu’elles ont été recueillies, sont d’une grossièreté ou d’une obscénité révoltante, bien que la verve n’y manque pas. La seconde partie du spectacle, destinée à allécher le public pour arriver plus sûrement à la vente des drogues, qui était le but, se composait généralement d’une farce. On a conservé quelques échantillons de ces fœtus de comédie, qui ressemblent assez aux premières œuvres de


Molière, le Médecin volant et la Jalousie du Barbouillé, par la gaieté licencieuse, les lazzis et les jeux de scène. Comme elles aussi, ce ne sont que des canevas que devait remplir, au hasard du moment, l’imagination de l’acteur. Une demi-douzaine de personnages y reparaissent uniformément : outre Tabarin et le capitaine Rodomont (Mondor), c’est Isabelle ou Francisquine, représentée par la femme du premier, Fristelin, valet du second, le vieux Piphagne et Lucas Joffu ou Joufflu, qui a prêté son nom comme éditeur à la publication de plusieurs des pièces bouffonnes relatives à Tabarin. C’était celui-ci qui composait lui-même ses parades et ses farces ; au besoin, il pillait sans façon le répertoire de l’Hôtel de Bourgogne, qu’il lui suffisait de modifier bien peu pour le rendre digne de ses tréteaux. Ce qui démontre encore mieux les rapports intimes qui existaient alors entre l’Hôtel de Bourgogne et le petit théâtre en plein vent de l’Ile du Palais, c’est que Gaultier Garguille épousa la fille de Tabarin, et qu’il signa, avec son compagnon Gros-Guillaume, une approbation burlesque en tête du Recueil général des rencontres et questions de son beau-père. Tabarin figurait généralement dans ses parades en pantalon large, le tabar ou manteau sur les épaules, l’épée de bois à la ceinture  ; il avait de longues moustaches, une barbe, « un trident de Neptune, » dit une pièce contemporaine, et un immense chapeau, qu’il pétrissait sans cesse entre ses doigts pour lui faire prendre mille formes bizarres ; ce chapeau fantastique faisait à lui seul une grande partie de la popularité de son maître, et il en est question dans un grand nombre de facéties du temps.

À partir de 1625, le nom de Tabarin cesse d’occuper au même degré l’attention publique. On sait, par l’avertissement de l’Amphitrite, tragi-comédie de Monléon, qu’il se retira vers v 1630 ([3]). Le Parlement nouveau de Daniel Martin (1637) raconte, que s’étant enrichi dans sa profession, il avait acheté une seigneurie près de Paris, et qu’il fut méchamment tué à la chasse par les gentilshommes de son voisinage. On s’étonne que cette mort d’un personnage longtemps fameux n’ait pas laissé de trace ailleurs que dans ce livre fort inconnu. Quoi qu’il en soit, il semble certain que Tabarin ne survécut pas longtemps à sa retraite, et même, d’après un passage de la Rencontre de Gaultier Garguille et de Tabarin dans l’autre monde (1634), qu’il était mort en 1633 ([4]).

Il est probable que Tabarin n’a jamais écrit lui-même, et que ses facéties ont été recueillies,

  1. (1) Quelques érudits font de Tabarin un Italien ; les frères Parfaict l’appellent Tabarini.
  2. (2) Brossette (Art poétique, notes 1 le présente comme le valet de cet empirique  : Il est probable qu’il a confondu le rôle de valet, toujours rempli par Tabarin dans les parades, avec sa position réelle vis-à-vis de Mondor.
  3. (1) Il fut remplacé par Padelle ou Padel, qui semble, d’après un passage du Testament du P. Garasse, pièce satirique publiée en 1626, avoir commencé à se faire connaître à Paris quelques années auparavant.
  4. (2) C’est la date généralement admise et la plus probable. Les frères Parfaict, dans leur Histoire de l’ancien théâtre italien, p. 88-9, le font vivre encore en 1659, sans appuyer cette assertion d’aucune preuve.