Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/130

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Balthasar, Fabian, le professeur d’esthétique et quelques jeunes gens s’assirent auprès des dames. Le sieur Cinabre avait avancé un tabouret, grâce auquel il s’était hissé sur le sopha, où il se tenait assis entre deux femmes, promenant autour de lui des regards fiers et étincelants.

Balthasar crut que le bon moment était venu pour se lancer avec son élégie des Amours du rossignol et de la rose purpurine. Il annonça donc avec cette réserve modeste qui sied aux jeunes poètes, que s’il ne craignait pas de faire naître l’ennui et la fatigue, et s’il pouvait compter sur la bienveillante indulgence de l’assemblée, il entreprendrait de lire une composition poétique, récente production de sa muse.

Comme les femmes avaient déjà suffisamment discouru de toutes les nouvelles du jour, comme les demoiselles avaient tout au long bavardé sur le dernier bal du président, et étaient même tombées d’accord sur la forme normale des derniers chapeaux, comme les hommes enfin ne comptaient plus sur de nouveaux rafraîchissements et comestibles avant deux heures au moins, Balthasar fut unanimement prié de ne pas priver la société de cette exquise jouissance.

Balthasar tira de sa poche son manuscrit proprement mis au net, et commença sa lecture.

Insensiblement, ses propres vers, fruit d’une inspiration spontanée et brûlante, pleins de vivacité et d’énergie, l’échauffèrent lui-même, et son débit de plus en plus passionné trahissait la vive émotion