Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/224

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état ! — Je vais tout vous raconter ; mais surtout motus ! — Je suis un homme perdu si son Excellence apprend que c’était moi qui étais dans le corridor obscur ! Ah, je perdrais ma place ! car son Excellence est, à la vérité, de petite taille, mais d’un caractère emporté et rageur au dernier point. Elle s’irrite pour peu de chose, et, dans la fureur, ne se connait plus. Hier même, elle a passé son épée nue et acérée au travers du corps d’une pauvre souris qui avait eu l’impudence de venir gambader au milieu de la chambre à coucher de son Excellence. — C’est bon ! — Donc, hier au soir, à la tombée de la nuit, je mets mon petit manteau et je veux tout doucement me faufiler dans l’arrière-boutique du marchand de vin pour y faire une partie de trictrac ; mais je vois s’agiter et se trémousser devant moi sur l’escalier quelque chose qui vient se jeter dans mes jambes à l’entrée du corridor noir, et qui, se roulant à terre, pousse un cri de chat perçant, et grogne ensuite comme… ô mon Dieu ! — chasseur ! tenez bien votre langue, mon généreux ami ! autrement c’est fait de moi !… approchez-vous un peu : — et grogne ensuite comme notre gracieuse Excellence a l’habitude de faire quand le cuisinier a laissé brûler le rôti de veau, ou bien quand quelque autre affaire d’état vient l’indisposer. »

Le valet de chambre avait soufflé ces derniers mots dans l’oreille du chasseur en tenant sa main devant sa bouche. Le chasseur recula de deux pas, prit une physionomie réfléchie, et s’écria : « Est-il possible ! —