Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/441

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d’homme en démence, des cheveux frisés à l’ancienne mode et abondamment poudrés avec un toupet pyramidal, des ailes de pigeon ébouriffées et une grande bourse pendante dite postillon d’amour, un vieil habit couleur café brûlé, à moitié déteint, mais bien conservé et bien brossé, des bas gris, et enfin de grands souliers carrés avec de petites boucles en faux brillants. Imaginez que cette petite et sèche figure est pourtant vigoureusement constituée, surtout à en juger par des poings monstrueux armés de longs doigts nerveux, et qu’elle marche vers le comptoir du pas le plus assuré. Enfin, voyez-la, avec son sourire invariable, et les yeux fixés sur les bocaux de cristal pleins de sucreries, demander d’un ton langoureux et d’une voix grêle et larmoyante : « Deux oranges confites — deux macarons — deux marrons glacés, » etc., et jugez vous-même s’il y avait lieu d’éprouver ou non à cette vue de singuliers pressentiments.

Le confiseur mit ensemble les diverses friandises réclamées par le vieillard, qui lui dit avec l’accent le plus lamentable : « Pesez, pesez cela, monsieur mon estimable voisin ! » Puis il tira en geignant et avec effort une petite bourse de cuir de sa poche, et y chercha de l’argent avec de minutieuses cérémonies. Je remarquai qu’il paya le confiseur en plusieurs sortes de vieilles monnaies usées et déjà hors de cours pour la plupart. Il prit un air très-chagrin en comptant les pièces devant lui, et balbutiait en même temps : « Des douceurs — des douceurs ! il ne faut plus que des douceurs à présent, en faveur de