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Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/797

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lennel, que Traugott ressentit involontairement un certain respect pour lui.

« Vous m’accorderez, poursuivit le neveu après avoir prisé et éternué deux fois, que l’art sème de fleurs le chemin de la vie : distraire et récréer l’esprit fatigué d’un travail réel, tel est le but que s’efforcent d’atteindre tous les arts, qui y réussissent d’autant mieux que leurs œuvres sont plus parfaites. C’est un but clairement indiqué par l’exemple de tous les jours, car celui-là seul qui s’applique à la culture des arts jouit de ce bien être que ne sauraient atteindre ceux qui les envisagent, contrairement à toute idée raisonnable, comme l’affaire la plus importante de la vie, comme le plus noble emploi des facultés humaines. Ainsi donc, mon cher, que les discours de mon oncle ne vous fassent pas renoncer aux occupations sérieuses, pour vous lancer dans une condition pleine d’instabilité et de déceptions. »

Ici le neveu s’arrêta, comme pour attendre la réponse de Traugott ; mais celui-ci restait tout interdit et silencieux. Tout ce qu’il venait d’entendre lui paraissait inexprimablement niais. Il se contenta de demander : « Mais qu’appelez-vous donc le but sérieux de la vie ? » Le neveu le regarda d’un air tant soit peu ébahi : « Eh bien, mon Dieu ! dit-il enfin, vous m’accorderez bien que nous sommes sur terre pour vivre, et comment, je vous le demande, vivent les artistes de profession, constamment tourmentés par la gêne et le besoin ? » Là-dessus, il débita à tort et à travers mille phrases oratoires et fleuries,