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Page:Hoffmann - Contes fantastiques,Tome 1, trad. Egmont, 1836.djvu/470

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je commençais à craindre que ces ânes, que je paie assez cher, ne me laissassent dans l’embarras ; mais à présent, j’espère que la perspective sera visible encore au moment favorable. » Il rouvrit sa longuevue et regarda encore vers la forêt. Au bout de quelques minutes, un gros massif de branches étant tombé à la fois, on eut tout-à-coup devant soi, comme par enchantement, l’aspect des montagnes lointaines et des ruines d’un chtâeau fort, qui formaient, en effet, aux rayons du soleil couchant, un spectacle magique et enchanteur. L’homme à la longue-vue n’exprima son ravisse- / ment que par des paroles entrecoupées ; mais après avoir joui du coup-d’œil pendant un bon quart d’heure il serra sa lunette d’approche, et s’enfuît à toutes jambes, comme s’il eût été poursuivi par une bête féroce, sans me saluer, et même sans faire aucune attention à ma présente*

J’appris plus tard que cet homme n’était autre que le baron de R***, original des plus marquants, qui, de même que le fameux baron Grotthus, poursuivait, depuis plusieurs années sans interruption, un voyage entrepris pédeslremerit, allant partout avec rage, à la chasse, poftr aibsi dire, dès belles perspectives. Quand, pour se procurer la jouissance d’un point de vue,ilyugeait nécessaire de faire abattre des arbres oit de trotier une partie de bois, il s’arrangeait avec le propriétaire et soldait des ouvriers sans regarder à la dépense. Il voulut même un jour, à toute force, faire brûler une métairie entière qtfi selon lui masquait la perspective, ou gâtait l’en-